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(fr) CNT-AIT - Une brève histoire de l'anarchisme en Indonésie
Date
Sat, 6 Sep 2025 22:34:46 +0100
Gloria Truly Estrelita, Jim Donaghey, Sarah Andrieu et Gabriel Facal, 19
décembre 2022 ---- Source:
https://anarchiststudies.noblogs.org/article-a-brief-history-of-anarchism-in-indonesia
---- Traduction CNT-AIT France, relue par Gloria Truly Estrelita ----
Photographie de Frans Ari Prasetyo. Graffiti sur les ruines d'une maison
démolie à Tamansari, Bandung, v. 2019:»L'État est esclave du
capitalisme». ---- Dans la langue indonésienne (bahasa indonesia), le
terme «anarchie» est synonyme du comportement émeutier d'un éventail
disparate de groupes, allant des fondamentalistes islamistes aux fans de
football. L'État indonésien a joué un rôle dans la construction du récit
de «l'anarchie comme chaos / émeute», en établissant d'abord en Octobre
2010 une série de contre-mesures «anti-anarchie («Anti-Anarchy Standing
Procedure (anti anarkis Protap)») (Lastania et.al 2010), suivie en 2011
par la création d'une division de police «anti-anarchie» (qui ciblait
initialement les émeutes par des foules religieuses) chargée d'appliquer
ces procédures. [Toutefois] ces dernières années, l'État a modifié son
discours pour identifier l'anarchisme comme une forme de terrorisme
populiste, qui serait lié au communisme - une idéologie encore
considérée comme hautement taboue en Indonésie - et lequel, associée au
terme marxiste-léniniste, est toujours officiellement interdit par
l'État (Guritno 2022). Les autorités utilisent le terme
«anarcho-syndicaliste» pour caractériser et différencier cette forme
d'anarchisme des autres «anarchies» émeutières, de sorte que les groupes
identifiés comme anarchosyndicalistes sont sous pression [et subissent
des persécutions]. Ce scénario contemporain, et la question de longue
date du «péril rouge» en Indonésie, signifie que s'exprimer sur le
mouvement anarchiste reste très sensible.
L'anarchisme dans le contexte de l'anticolonialisme et du nationalisme
en Indonésie
Loin des stéréotypes qui sont véhiculés à son sujet, le mouvement
anarchiste en Indonésie se compose de divers groupes aux idées et
pratiques variées. Les observateurs de la politique en Indonésie
commentent que les questions pragmatiques l'emportent souvent sur les
considérations idéologiques (Rosanti 2020). Les partis politiques et les
syndicats s'organisent en fonction de l'identité religieuse, régionale
ou ethnique, en s'appuyant sur des réseaux sociaux préétablis. Malgré
les réformes de démocratisation qui ont suivi la chute du régime de
Suharto en 1998, l'implication dans toute forme de politique
progressiste était souvent suspectée d'être d'orientation socialiste et
étroitement surveillée par les agences de renseignement et les groupes
civiques locaux qui les soutenaient (Honna 1999: 121).
Image d'un chemin de fer saboté à l'époque coloniale. Tiré de la
couverture d'un livre de Bima Satria Putra, Perang yang Tidak Akan Kita
Menangkan: Anarkisme & Sindikalisme dalam Pergerakan Kolonial hingga
Revolusi Indonesia, 1908-1948 [la guerre que nous ne gagnerons jamais,
anarchisme et syndicalisme des mouvements coloniaux à la Révolution
indonésienne, 1908-1948] (2018).
Cependant, cela n'a pas toujours été le cas. Au cours des luttes pour
l'indépendance de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, l'anarchisme
a influencé la pensée anticoloniale, qui est arrivé en Indonésie
parallèlement à la montée du communisme et du nationalisme sous le
régime des Indes orientales néerlandaises (Satria Putra 2018; Nugroho
2021). Le premier livre décrivant les tendances «anarchistes» dans les
Indes orientales néerlandaises fut le roman Max Havelaar, écrit par
Eduard Douwes Dekker sous le pseudonyme de «Multatuli» en 1860. Le livre
critiquait fortement le gouvernement colonial des Indes orientales
néerlandaises, de sorte que l'ouvrage inspira de nombreux anarchistes
(Satria Putra 2018)[1]. La lutte de Multatuli a ensuite été poursuivie
par son petit-fils, Ernest François Eugène Douwes Dekker, un jeune homme
qui noua des liens avec des radicaux luttant pour la libération des
colonies lors d'un voyage en Europe au début des années 1910.
Pendant la Première Guerre mondiale, en 1916, le journal néerlandais des
Indes orientales Soerabaijasch Nieuwsblad rapporta un sabotage mené par
un jeune soldat anarchiste de la marine (Blom 2004). Cet incident
résonnait en écho à la prolifique propagande anti-guerre de l'époque,
qui dans les Indes orientales néerlandaises étaient principalement
diffusés par des anarchistes chrétiens et des tolstoïens (il est à noter
que E.F.E. Douwes Dekker lui-même décrivait Jésus-Christ comme un
combattant pour la liberté et «un grand anarchiste» (Van Dijk 2007)).
Le mouvement anarchiste dans les Indes orientales néerlandaises a
également été influencé par les anarchistes chinois dans les années
précédant la Première Guerre mondiale, ainsi que par des militants en
Indonésie qui ont noué des liens étroits avec des anarchistes en Chine,
aux Philippines et en Malaisie britannique. À partir de 1909, le
mouvement anarchiste chinois établit même des maisons de lecture dans
toutes les Indes orientales néerlandaises et publia de nombreux journaux
et devint une ample association politique s'opposant aux autorités
néerlandaises.
Les idées anarchistes attirèrent également l'attention de plusieurs
jeunes étudiants indonésiens aux Pays-Bas, qui ont ensuite développé des
contacts avec des anarchistes néerlandais locaux. Parmi eux se trouvait
le futur premier Premier ministre de la République d'Indonésie, Sutan
Sjahrir (Damier & Limanov 2017, Mrázek 1994). Ces jeunes étudiants ont
ensuite noué des liens avec des forces politiques de gauche et participé
à l'action de la Ligue internationale contre l'impérialisme et
l'oppression coloniale, également connue sous le nom de Ligue
anti-impérialiste (Satria Putra 2018).
Protestation de la Commission antimilitariste internationale, composée
de l'AIT-IWA, (Association internationale des travailleurs) et du
BIA-IAB (Bureau international antimilitariste) contre la peine de mort
en Indonésie et contre l'exécution de nationalistes indonésiens. La
Commission antimilitariste internationale a activement participé à la
Ligue internationale contre l'impérialisme et l'oppression coloniale, où
elle a porté la voix des anarchosyndicalistes. (Publié dans la «Voix du
Travail», journal de la section française de l'AIT à l'époque, CGTSR-AIT)
Avec des échos de la situation à cette époque en Indonésie, le
gouvernement colonial a utilisé l'étiquette d'anarchiste pour capturer
ceux qui critiquaient le gouvernement. Par exemple, en 1927, les
autorités néerlandaises ont arrêté plusieurs membres du Sarekat Ra'jat
(ou anciennement connu sous le nom de Sarekat Islam Merah). Ils ont été
reconnus coupables d'accusations d'anarchisme, puis exilés en Papouasie
occidentale (Suryomenggolo 2020).
À partir des années 1920, le Parti communiste indonésien (PKI) use de
son influence au niveau local, construisant une base populaire solide,
notamment après la déclaration d'indépendance de l'Indonésie en 1945. Le
PKI est l'un des grands gagnants des premières élections générales de
1955, et dans les années 1960, il est devenu le troisième plus grand
parti communiste au monde avec trois millions de membres, ainsi que la
constellation d'organisations de base qui sont devenues ses satellites
(Lev 2009).
Après avoir appris l'implication secrète des États-Unis et de la
Grande-Bretagne dans le soulèvement de 1957-1961 (Conboy et Morrison
2018) et leur ingérence provocatrice dans l'affrontement
Indonésie-Malaisie de 1962-1966 (Wardaya 2008), le président
nationaliste Sukarno a commencé à soutenir les positions
anti-occidentales promues par le PKI. Dans le contexte de la guerre
froide généralisée, cela a provoqué la colère des autres partis
politiques, des haut-gradés militaires de droite ainsi que des pays
occidentaux, qui avaient tous peur que les communistes ne prennent le
pouvoir dans ce pays.
Mais même si Sukarno a embrassé certains groupes de gauche, il n'était
pas sympathisant du mouvement anarchiste même s'il a souvent cité les
écrits anticoloniaux de Michel Bakounine dans ses discours (Danu 2015).
Au début de la carrière politique de Sukarno, en 1932, il publia un
article intitulé «Anarchisme» dans le quotidien Fikiran Ra'jat, un
journal appartenant au Parti national indonésien (PNI). Dans cet
article, Sukarno exprimait son opposition aux anarchistes et à leur
rejet de l'État et du patriotisme. Même s»il pouvait être d'accord avec
les anarchistes dans leur lutte contre le colonialisme, Sukarno était
avant tout un nationaliste et un homme d'État.
La pensée anarchiste a eu une influence considérable. Même le Parti
communiste PKI, ouvertement marxiste-léniniste, a cité Bakounine dans
les éditoriaux de sa revue Koran Api dans les années 1920 - tant et si
bien que l'auteur, Herujuwono, président du parti dans le centre de
Java, a été réprimandé par Darsono, l'un des fondateurs du PKI, en 1926
pour avoir terni la pureté idéologique du parti. Précisément, cet
épisode met en lumière la grande hétérogénéité de la gauche en
Indonésie, avec un important brassage d'idées entre les milieux
politiques dans le cadre de la lutte anticoloniale globale (Satria Putra
2018).
Répression de la gauche et réémergence de l'anarchisme
La tragédie de 1965-1966 [2] a brutalement mis fin à la trajectoire
politique du PKI et d'autres groupes de gauche en Indonésie. Le 30
septembre 1965, en réaction au meurtre de plusieurs officiers de haut
rang de l'armée, l'armée sous le commandement du général de division
Suharto a pris le contrôle du pays et a accusé le PKI et ses affiliés
d'être responsables du complot d'assassinat. Par la suite, la répression
anticommuniste la plus importante de l'histoire moderne de l'Indonésie a
été lancée dans tout l'archipel. En 2016, le Tribunal international des
peuples a publié une déclaration estimant à 500 000 le nombre de
personnes tuées lors de ces actes de violence (IPT Report 65, 2016).
Immédiatement après avoir pris le pouvoir politique, le régime de
l'Ordre nouveau dirigé par le général de division Suharto a diffusé une
mauvaise propagande sur le communisme et a interdit les idées, la
politique et tous les travaux liés au mouvement de gauche (Estrelita
2010). Dans un pays où la religion est obligatoire et directement liée
au pouvoir politique, le communisme, souvent identifié à l'athéisme, a
un fort impact. Les institutions de l'État et le peuple ont également
été impliqués dans la répression qui a transformé la société
indonésienne en chiens de garde anticommunistes.
Après trente ans de répression et de marginalisation sous cette «alerte
au danger rouge» épidémique, le mouvement anarchiste a été relancé dans
les années 1990. Cela s'est produit à cause des mouvements étudiants
dans tout l'archipel, en particulier par la culture punk (Satria Putra
2018; Anjani 2020). A cette époque, l'anarchisme était identifié au
punk. La communauté punk apprend l'anarchisme à travers des feuilles de
paroles de chansons de groupes de musique punk impliqués dans le
mouvement anarchiste, et aussi à travers des zines punk-anarchistes des
États-Unis et d'Europe, qui sont transportés en Indonésie par des punks
itinérants, puis copiés et redistribués, et traduits en zines produits
localement (Donaghey 2016). Dans les années suivantes, le discours sur
l'anarchisme est devenu de plus en plus diversifié, ce qui a ensuite
influencé les militants, les étudiants, les travailleurs et a finalement
atteint un plus large éventail de personnes d'horizons différents.
Lors du bouleversement politique contre le régime de l'Ordre nouveau à
la fin des années 1990, de nombreux sympathisants anarchistes qui
prétendaient être membres du Front antifasciste, ou FAF, se sont formés
en 1997 à Bandung, qui réunissait des enfants punks, des enfants des
rues et des voyous. En 1999, plusieurs membres de la FAF ont rejoint le
Parti démocratique du peuple (PRD), de tendance socialiste
(social-èdémocrate) (F Putra 2022). Cela a touché une corde sensible
chez certains militants d'esprit anarchiste et les a amenés à exprimer
clairement leur désir de garder leurs distances avec le PRD. Ils pensent
que l'adhésion à un parti politique conduit en fait à la cooptation et
freine les voix critiques (entretien avec un informateur en 2022).
Le Front antifasciste vers 1998.
Même au sein de l'alliance, les partisans de la FAF sont restés
autonomes poursuivant leur mouvement clandestin. En décembre 1999 et
février 2000, ils rencontrent plusieurs groupes punk à Yogyakarta et
forment le Nusantara Anti-Fascist Network ou appelé JAFNUS (F Putra
2022), qui subit alors la pression de la milice civile Kaaba Youth
Movement (GPK), qui accuse les militants de JAFNUS en tant que
communiste (entretien avec des sources en 2022).
Une autre tentative de consolider les groupes anarchistes dans un réseau
a été la création du Réseau anti-autoritaire ou JAO (F Putra 2022) qui a
été formé en 2006. En plus de son rôle de point de ralliement pour les
manifestations à grande échelle du 1er mai à 2007 et 2008 (les actions
des années précédentes ayant été soumises à de fortes pressions de la
part de la police), ils ont également introduit des tactiques et des
stratégies de black bloc. L'alliance au sein de la JAO est un croisement
de luttes contre l'autoritarisme, l'anticapitalisme, l'antiétatisme, le
non-sectarisme, le revivalisme non religieux, l'antiracisme, le
fédéralisme, l'autonomie et l'écologie.
De luttes et de rencontres entre groupes, un syndicat du pouvoir ouvrier
s'est formé en 2014, qui a ensuite abouti à la formation de la
Fraternité ouvrière anarcho-syndicaliste (Persaudaraan Pekerja Anarko
Sindikalis, or PPAS, friends in Indonesia of IWA - International Workers
Association, ) en 2016, la première organisation anarcho-syndicaliste en
Indonésie depuis la chute du Nouveau Ordre.
Ils ont pris part à des manifestations à grande échelle du 1er mai en
2018 et 2019 (F Putra 2022), ainsi qu'à des manifestations contre le
projet de loi sur la réforme du travail ou loi omnibus en 2020, qui ont
entraîné des émeutes qui ont attiré l'attention des médias et de la police.
Citation du chef de la police Tito Karnavian, suite aux manifestations
du 1er mai 2019, qui se traduit par: «Il existe un groupe appelé
anarcho-syndicalisme, dont le symbole est la lettre A.» Ce groupe n'est
pas un phénomène local, mais international.
Au sein et en dehors du développement de ces groupes et réseaux, les
anarchistes ont également été impliqués dans diverses actions, telles
que: la gestion d'infoshop; publication de livres, de brochures et de
zines; en plus, des actions de solidarité avec les communautés locales;
boycott et sabotage; manifestations et black blocs; ainsi que
l'intervention sous forme de travail artistique. Plusieurs factions
importantes de ce mouvement sont également impliquées dans le soutien
aux travailleurs urbains, aux agriculteurs et travailleurs ruraux ou aux
personnes victimes de l'accaparement des terres ou de la destruction de
l'environnement.
La multiplication des bibliothèques de rue (perpustakaan jalanan) qui se
sont développées à partir de 2009 à Bandung puis s'est étendue à
d'autres quartiers, montre l'accent mis par le mouvement sur
l'éducation. Ces bibliothèques proposent également des repas gratuits,
via des soupes populaires (dapur umum) organisées sous la bannière de
Food Not Bombs (Damier et Limanov 2017). Le site Web Anarkis.org, créé
en 2014, est également une ressource importante pour l'auto-éducation et
la discussion critique du mouvement (entretien avec une personne
interrogée en 2022).
Exemples d'affiches, d'autocollants, de patchs et de zines contre le
néolibéralisme et l'extractivisme en Indonésie.
Les groupes anarchistes en Indonésie ont des caractéristiques
particulières, telles que le concept de ‘famili-isme», et sa dynamique
des relations interpersonnelles hiérarchiques. Cette dimension
structurelle façonne le dialogue entre les communautés mobilisées et les
groupes anarchistes, ce qui les oblige à négocier certains rapports de
force. Il est courant que la religion et la spiritualité soient une
source de mobilisation pour certains anarchistes en Indonésie. Dans les
pays qui n'acceptent pas l'athéisme, de nombreux membres du mouvement
pratiquent encore la religion, et les anarchistes indonésiens ont
tendance à être plus flexibles que leurs homologues européens qui
admettent souvent que l'idéal anarchiste est «pas de Dieu, pas de
maître» (entretien avec des sources en 2022 ). En plus de cela, les
anarchistes indonésiens aident aussi souvent les groupes religieux
minoritaires, tels que les chiites et les ahmadis. (interview anonyme, 2022)
Des exeples d'entr'aide mutuelle (connue localement sous le nom de
gotong royong), la solidarité horizontale et l'autonomie se retrouvent
souvent dans les cultures traditionnelles de l'archipel Indonésien, bien
que cela ne soit bien sur pas qualifié d'»anarchisme». Cela peut être
observé chez les peuples autochtones, tels que les Samin, Kajang, Dayak,
Tanimbar ou Kanekes, qui sont ancrés dans ces pratiques que l'on peut
qualifier anarchistes à travers leur mode de vie collectif, et qui ont
une attitude de retrait voire d'opposition à l'État. Dans cette
perspective, ce n'est pas l'anarchisme (comme idéologie) qui a été
importé de l'étranger, mais le concept l'État lui-même. Ces
interprétations sont encore enrichies par l'interaction entre les
anarchistes et les communautés traditionnelles qui les inspirent.
L'Anarchisme sous la répression, et l'importance de la critique
anarchiste contemporaine
Aujourd'hui, après 60 ans de propagande nationaliste et anticommuniste,
puis la réémergence de la démocratie en 1998, les idées progressistes
font toujours l'objet d'une répression sévère car elles sont perçues
comme une relance potentielle du spectre du communisme. Cette situation
se voit dans les mobilisations populaires à grande échelle qui ont eu
lieu depuis mai 2019 pour protester contre la politique de l'argent, de
la corruption et de l'autoritarisme. L'étiquette de prédilection
actuelle utilisée par la Pouvoir pour la «peur rouge» est
«l'anarcho-syndicalisme», qui est présenté comme une nébuleuse
moralement déviante et complotiste qui menace l'ordre public (Maharani
2019). En 2019, les autorités policières ont tenu les
anarcho-syndicalistes responsables des émeutes du 1er mai dans plusieurs
grandes villes. Pendant la pandémie de Covid, la police nationale
indonésienne (POLRI) a annoncé que des anarcho-syndicalistes avaient
organisé des attaques contre des installations publiques à travers Java
(Velarosdela 2020; Anjani 2020). Conséquence de cette stigmatisation,
certaines mairies appellent même désormais à rejeter ce mouvement à
travers des banderoles affichées dans les espaces publics (Nugroho, 2016).
De Tribun Jabar/Mega Nugraha.En haut de la page: «Zone sans anarcho».
Tiré d'Inti Jaya News. On peut y lire: «Rejeter les actions anarchistes
[et marxistes?] dans la région de Java occidental».
Le mouvement anarchiste émerge actuellement comme le dernier mouvement
politique de gauche en Indonésie, bien qu'il reste une voix faible dans
un paysage politique dominé par des partis traditionnellement liés aux
oligarques, aux organisations religieuses et aux consortiums
d'entreprises. Le président Joko Widodo, qui a servi deux mandats
(2014-2024), a écarté les idées progressistes, accru les inégalités,
renforcé la puissance militaire et fait peu pour lutter contre les
dommages environnementaux. D'autre part, les anarchistes ont une bonne
analyse pour articuler les dimensions systémiques qui soutiennent la
société indonésienne contemporaine, donc leurs voix sont importantes
pour être entendues.
[1] Voir aussi Frank van der Goes dans son ouvrage Multatuli over
Socialisme (1896); Nicolas Walter dans la section Anarchism and Religion
du livre Damned Fools in Utopia: And Other Writings on Anarchism and War
Resistance (1991: 283); Vadim Damier et Kirill Limanov affirment que
Multatuli était un écrivain anarchiste.
[2] Note des traducteurs: Les massacres de 1965 en Indonésie sont la
répression déclenchée contre le Parti communiste indonésien (PKI) et ses
sympathisants - et globalement contre toutes les organisations ou
personnes progressistes - par les milices du Nahdlatul Ulama (parti
musulman) et du Parti national indonésien, encadrées par les forces
armées indonésiennes. Le massacre des communistes indonésiens, jusque-là
alliés au président Soekarno, intervient au terme de graves tensions
politiques qui avaient fait craindre au forces réactionnaires et au
gouvernement américain un basculement de l'Indonésie dans le camp
communiste. L'élément déclencheur des massacres est la tentative de coup
d'État du 30 septembre 1965, imputée au PKI. Déclenchées à la fin de
1965, qui demeure la date symbolique de l'évènement, les tueries durent
plusieurs mois et s'étendent sur l'année 1966, certaines ayant encore
lieu par endroits en 1967. Des centaines de milliers de personnes -
probablement plus d'un million au total - sont arrêtées, emprisonnées ou
déportées dans des camps. Le général Soeharto (Suharto), principal
maître d'oeuvre de cette purge politique, remplace ensuite Soekarno à la
tête du pays. La répression, visant aussi bien les communistes que les
autres opposants, continue en Indonésie dans les années suivantes.
Soeharto restera au pouvoir jusqu'en 1998. Son règne de 31 an, construit
autour d'un gouvernement fort et ultra autoritaire, centralisé et dominé
par les militaires, est appelé l'«Ordre nouveau».
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