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(fr) Alternative Libertaire #363 (UCL) - Modèle allemand: L'extrême droite infiltre le monde du travail

Date Tue, 9 Sep 2025 18:32:26 +0100


Si en France l'extrême droite continue généralement de voir les syndicats comme des adversaires, en Allemagne, l'extrême droite a fait de leur infiltration l'une de ses priorités stratégiques. Cet article est une version raccourcie et éditée de l'article «Im Maschinenraum der Reaktion - Die AfD, die Arbeit und der Betrieb» («Dans la salle des machines de la réaction -L'AfD, le travail et l'entreprise») publié le 27mai 2025 sur le site Gewerkschaftsforum.de, revue en ligne d'analyses syndicales, sociales et politiques. ---- Cela commence souvent de manière anodine. Une discussion dans la kitchenette, un slogan sur le tableau d'affichage, un collègue qui pense: «On a quand même le droit de dire ça, non?». Mais ce qui semble anodin se révèle rapidement faire partie d'une stratégie bien pensée. La soi-disant Nouvelle droite tente d'exercer son influence sur les entreprises et les comités d'entreprise -non pas à grand renfort de slogans, mais discrètement et avec persévérance, en étant présente et pénétrante. Son objectif: l'hégémonie idéologique dans le quotidien du travail.

Dès 1998, le parti fasciste national-démocrate allemand (NPD) a formulé un «modèle à trois piliers» dans son «document stratégique de Stavenhagen». Diffuser les idées d'extrême droite, organiser des rassemblements et manifestations, s'implanter suffisamment pour se faire élire [1]. En 2004, un quatrième pilier a été ajouté: la lutte au sein de la «volonté [politique] organisée» [2] - notamment dans les entreprises et les syndicats. Les acteurs de la Nouvelle droite poursuivent cette stratégie avec persévérance. L'entreprise doit devenir la cellule de base de la normalisation autoritaire: faire de la politique dans ce lieu prétendument «apolitique».

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD) est encore souvent considérée comme un «parti protestataire des laissés-pour-compte». Mais elle est intégrée depuis longtemps au centre de la société, du système politique et dans le monde du travail. Lors des élections fédérales de 2025, 38% des ouvriers et ouvrières ont voté pour l'AfD; lors des élections régionales en Allemagne de l'Est, ce chiffre dépassait même les 40%. Le parti est particulièrement fort chez les 25-44ans -le groupe cible classique de la syndicalisation.

Un Consensus autoritaire

L'AfD n'a pas besoin de mettre en place des structures d'entreprise fortes pour cela. Son succès se nourrit de la frustration d'un grand nombre de travailleurs et travailleuses face à la bureaucratie syndicale, au manque de participation et à l'aliénation politique.

Le consensus de droite naît de l'intérieur: dans les effectifs qui s'opposent au «gender gaga» («gaga du genre»), à l'immigration ou au «politiquement correct». Les groupes de droite y associent des préoccupations réelles, comme les conventions collectives qui divisent le personnel en «coeur de métier» et «auxiliaire» ou encore l'intensification de la charge de travail et l'augmentation du temps de travail. Ils y ajoutent des récits racistes et des fantasmes de solutions autoritaires, parlent «d'élites secrètes» qui «contrôlent par le haut».

Depuis 2014, plusieurs organisations dites de travailleurs et travailleuses ont vu le jour au sein de l'AfD [3]. Ces structures ont été accompagnées par des organisations en amont comme Ein Prozent et des médias de droite comme Compact. Lors d'une conférence de ce magazine de Nouvelle droite et après les succès électoraux de l'AfD en 2017, l'éditeur de Compact, Jürgen Elsässer, a déclaré que le moment était venu de «porter le vent qui souffle sur l'Allemagne dans les entreprises». Le pseudo-syndicat Zentrum Automobil (ZA), fondé en 2008 par un ex-membre d'un groupe néonazi, Oliver Hilburger, est particulièrement actif. Depuis 2022, Zentrum n'agit plus seulement dans l'industrie automobile, mais aussi dans le secteur du soin, les services publics et les branches de services.

L'accès de la droite à la cogestion dans l'entreprise se fait par plusieurs voies: par ses propres listes lors des élections de comités d'entreprise, par des candidatures sur des listes de syndicats dissidents de droite comme le syndicat chrétien du métal (CGM) ou par des candidats soi-disant indépendants. Ceux-ci évitent d'être ouvertement affiliés à l'AfD, misent sur l'aide individuelle plutôt que la lutte collective et se présentent comme des personnes pragmatiques qui s'occupent de tout. Leur programme reste cependant clair: antidémocratique, antisyndical et nationaliste.

Des groupes de droite se présentent aux élections des comités d'entreprise sous des noms lissés comme Alliance des comités d'entreprise indépendants chez Volkswagen, Equipe Klartext chez l'entreprise Klartext ou encore CGM-alliance 2025 [4]. En 2025, l'ancien membre du comité directeur de ZA, Horst Schmitt, est entré au comité d'entreprise d'OPEL à Rüsselsheim sur la liste de la CGM. L'objectif: remplacer la cogestion démocratique par une vision autoritaire. La droite se met en scène comme une «nouvelle voix de la base» sans jamais améliorer quoi que ce soit sur le plan structurel. Car l'objectif n'est pas la justice sociale, mais l'hégémonie idéologique. La question sociale est traitée de manière régressive, ethnique et anti-émancipatrice. Il s'agit de nier l'existence d'un contre-pouvoir collectif dans l'entreprise, de le ridiculiser, de l'affaiblir et de le détruire.

L'idéologie de la «communauté d'entreprise»

Les acteurs de droite renouent ainsi avec une longue tradition idéologique: l'idée de la «communauté d'entreprise». Les nazis tentaient déjà de masquer les conflits sociaux au profit d'une unité ethnique par le biais de leurs cellules d'entreprise. Aujourd'hui, on utilise le récit du «travailleur honnête», qui doit soi-disant se défendre contre les syndicats envahissants, les «utopies vertes de gauche» et la diversité. Les conventions collectives sont considérées comme superflues et les grèves comme nuisibles à la «paix du travail».

Ce mode de pensée peut être adopté par de nombreuses entreprises: les comités d'entreprise de droite n'attaquent pas les intérêts du capital, mais s'opposent à la cogestion et aux structures syndicales. Les comités d'entreprise de la famille AfD se présentent comme protecteurs et utilisent l'insécurité au sein de l'entreprise pour faire passer des solutions autoritaires «sans alternative possible».

La Confédération allemande des syndicats (DGB) a détecté très tôt cette évolution mais n'y a guère réagi. Dès 2000, une commission du DGB a constaté que les attitudes racistes et autoritaires étaient également répandues parmi les membres des syndicats. Mais au lieu d'en tirer les bonnes conclusions, l'orientation vers le partenariat social, le syndicalisme de service et la neutralité politique ont dominé dans les années qui ont suivi.

Pour un syndicalisme antifasciste

Les négociations dans les branches ont été technocratisées, la formation politique a été négligée. Dans la pratique, cela signifiait: paix interne plutôt que gestion des conflits, service aux adhérents et adhérentes plutôt qu'organisation, actions symboliques plutôt que véritable politique. Il en résulte un vide que les acteurs de droite remplissent -non pas avec de meilleurs concepts, mais avec des récits émotionnels et du ressentiment. Cela vaut également pour le keynésianisme de l'armement, soutenu par de nombreux syndicats. Dans ce contexte, Oliver Hilburger a beau jeu de se présenter comme un syndicaliste «profondément convaincu que le syndicat doit, par principe, s'engager pour la paix», tel qu'il a déclaré lors d'une conférence de presse pour la création du bureau régional Zentrum Nordwest, le 24avril 2025.

Pour contrer l'offensive de la droite, il faut une réorientation stratégique des syndicats: une formation politique, une négociation collective de classe, une démarcation claire avec la droite et une politique anti-guerre conséquente. Mais avant tout, il faut une nouvelle image: ne plus être des prestataires de services neutres, mais (re)devenir un mouvement social actif qui fait à nouveau des entreprises des lieux de solidarité.

L'infiltration de la droite n'est pas le fruit du hasard. Elle suit un plan et elle continuera si elle n'est pas combattue avec détermination. Les élections fédérales des comités d'entreprise au printemps 2026 seront donc un test grandeur nature pour évaluer la capacité de mobilisation des syndicats, la défense du droit de grève, la solidarité avec les collègues avec ou sans passeport allemand et la défense des conventions collectives.

Andreas Buderus (correspondant allemand)

Notes:
[1] « Kampf um die Straße, um die Köpfe, um die Parlamente », « lutte dans la rue, dans les têtes et au parlement ».
[2] « Kampf um den organisierten Willen ».
[3] Comme Arbeitnehmer in der AfD ou Alternative öffentlicher Dienst.
[4] Respectivement Bündnis freier Betriebsräte, Team Klartext et CGM-Bündnis 2025.

https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Modele-allemand-L-extreme-droite-infiltre-le-monde-du-travail
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