|
A - I n f o s
|
|
a multi-lingual news service by, for, and about anarchists
**
News in all languages
Last 40 posts (Homepage)
Last two
weeks' posts
Our
archives of old posts
The last 100 posts, according
to language
Greek_
中文 Chinese_
Castellano_
Catalan_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
_The.Supplement
The First Few Lines of The Last 10 posts in:
Castellano_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
First few lines of all posts of last 24 hours |
of past 30 days |
of 2002 |
of 2003 |
of 2004 |
of 2005 |
of 2006 |
of 2007 |
of 2008 |
of 2009 |
of 2010 |
of 2011 |
of 2012 |
of 2013 |
of 2014 |
of 2015 |
of 2016 |
of 2017 |
of 2018 |
of 2019 |
of 2020 |
of 2021 |
of 2022 |
of 2023 |
of 2024 |
of 2025
Syndication Of A-Infos - including
RDF - How to Syndicate A-Infos
Subscribe to the a-infos newsgroups
(fr) Monde Libertaire - Pages d'histoire N°97: Kampuchéa démocratique, stade suprême du communisme...
Date
Sat, 19 Jul 2025 21:12:33 +0100
Il y a cinquante ans, les Khmers rouges entraient dans Phnom Penh,
anniversaire qui marque le début d'un crime de masses réalisé dans un
silence abyssal. Depuis, l'histoire du Kampuchéa démocratique est mieux
connue, même si les archives n'ont pas encore été toutes exploitées, les
témoignages ont permis d'accéder à la réalité sur un massacre de masses
dans lequel entre 1,7 et 2,3 millions de personnes ont disparu. Quelques
ouvrages permettent d'accéder une meilleure compréhension du régime, de
la nature de ses exactions, des mutismes qui l'ont entouré et de la
difficile construction de la mémoire des crimes contre l'humanité. ----
Le roman de Soth Polin a paru une première fois en 1980. Ce véritable
coup de poing littéraire et politique est aujourd'hui réédité, augmenté
de remarquables illustrations de Séra. La violence froide et crue décrit
parfaitement le Cambodge d'avant les Khmers rouges. L'ouvrage se compose
en deux parties écrites à deux périodes différentes. La première date de
1967 et a été rédigée en khmer, la seconde écrite en français a été
publiée dix ans après. C'est l'histoire d'un homme désabusé qui ne croit
plus en rien, somme tout plus nihiliste qu'anarchiste. Misanthrope,
misogyne, autodestructeur, il collectionne les aventures, se moque de
tout. Les pulsions de mort sont omniprésentes comme des signes
avant-coureurs de la catastrophe qui s'annonce, la destruction semble
l'emporter, mais Soth Polin ne la transforme pas en argumentaire
politique. Il ne se l'applique qu'à lui-même. Le second volet est
simplement désespéré, l'auteur devenu chauffeur de taxi en exil à Paris
renverse une jeune femme et plonge dans un long soliloque sur la
situation politique du Cambodge dans lequel il pointe le triomphe
inexorable des Khmers rouges, la complicité du monde occidental comme
s'il n'y avait rien à espérer.
Le silence est au centre du livre de Richard Rechtman. Il s'agit du
silence initial des victimes. La première version de l'ouvrage de
Richard Rechtman a été publiée en 2013. Elle est aujourd'hui augmentée
d'une substantielle préface de l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau,
spécialiste de la Première Guerre mondiale et qui depuis a ouvert son
champ d'étude au génocide au Rwanda. Il y présente l'auteur psychiatre
et anthropologue, parlant le khmer qui n'a pas écrit ses mémoires pour
de pas s'approprier la parole des autres. Richard Rechtman restitue de
manière magnifique le long travail qu'il a conduit lors de ses séances
d'analyses avec souvent des victimes et quelquefois des bourreaux. Récit
à la première personne dans lequel il livre à la fois le processus de
déshumanisation et surtout explique la résistance de survivantes. Après
la surprise du 17 avril 1975, lorsque les soldats de l'Angkar ont vidé
Phnom Penh de sa population et que cette dernière a été contrainte au
travail forcé. Une jeune femme décrit le calvaire subit, le processus de
déshumanisation: le quasi-esclavage dans lequel ils étaient réduits,
l'obligation de vivre au milieu des cadavres, les cours de formation,
les micros au son nasillard répétant les slogans du régime. Il
s'agissait de transformer les êtres vivants en morts et de réduire leurs
cadavres à des déchets. C'est là que la résistance prend forme. Il
décrit dans des pages absolument magnifiques la résistance physique,
mais surtout intellectuelle, voire spirituelle des habitants. Les corps
ne semblent plus être que des enveloppes décharnées, l'important est de
vaincre la contrainte, la violence, la mort par l'esprit. Le régime peut
tuer des personnes, il ne peut pénétrer au tréfonds de leur esprit.
L'emprise disparaît quand le régime chute après l'invasion vietnamienne
de 1979. Les survivantes symboliquement brulent leur karma, avant de
connaître l'exil.
Des scènes analogues se rencontrent dans l'ouvrage de Rithy Panh et
Christophe Bataille. Ils proposent l'édition définitive de
L'Élimination, issue en partie du film de Rithy Panh sur Duch, le maître
des forges de l'enfer. Le livre est à l'intersection entre le témoignage
des victimes et une tentative de compréhension de la personnalité du
bourreau. Ils analysent la relation complexe que Panh a entretenue avec
le dirigeant de la prison S21. Dans un regard croisé, il évoque son
propre passé sous le joug des communistes et l'attitude de Duch, ses
justifications, ses silences autour de son rôle de tortionnaire. Il met
en regard son asservissement et l'attitude de Duch, le comparant aux
autres tortionnaires des autres régimes totalitaires. Là où Duch n'était
qu'une machine froide, Rithy Panh livre toute son humanité, il souhaite
même qu'on lui rende sa liberté après son jugement, malgré la froideur
du militant qui finalement n'a rien abjuré.
Anne-Laure Porée s'est plongée dans des matériaux en partie inédits. Les
prises de notes des formations que Duch dispensait aux gardiens de la
prison de Tuol Seng.
L'ouvrage permet de restituer les logiques de la formation des cadres de
la police secrète. Quel que soit le totalitarisme, les bourreaux d'une
manière générale cherchent à déshumaniser leurs victimes, pratiquant la
torture, l'humiliation, l'injure, le secret. Ces caractéristiques
communes existent avec les autres régimes totalitaires comme le secret.
Dans le communisme, il s'accompagne d'un processus particulier. Les
hommes en noir, comme les tchékistes, appartiennent à une élite -
fonction néanmoins qui peut à tout moment être remise en cause, si le
cadre manque à ses fonctions. Ils sont le sommet de la pyramide, l'épée
et le bouclier du régime, la première ligne de front du combat. Dans les
interrogatoires, l'autobiographie de l'accusé joue un rôle central. De
même, la politique demeure centrale, interroger le prétendu coupable à
un sens. Il s'agit de montrer la supériorité du Parti et de purifier la
société pour ne conserver que les meilleurs révolutionnaires.
À lire les consignes et instructions, ces méthodes sont les mêmes que
celles élaborées par le NKVD en URSS ou le Guoanbu en Chine comme une
continuité amplifiée d'un système qui aurait atteint son apogée dans un
immense continuum initié en 1917 et dont l'Angkar a été l'apogée.
Richard Rechtman
Les Vivantes. Phnom Penh 1975
CNRS éditions 2025, 150 p. 11 €
Soth Polin
L'anarchiste
La Table ronde 2025, 248 p. 26 €
Rithy Panh et Christophe Bataille
L'élimination
Grasset 2025, 272 p. 22 €
Anne-Laure Porée
La langue de l'Angkar
La Découverte 2025, 256 p. 20 €
https://monde-libertaire.fr/?articlen=8484
_________________________________________________
A - I n f o s
informations par, pour, et au sujet des anarchistes
Send news reports to A-infos-fr mailing list
A-infos-fr@ainfos.ca
Subscribe/Unsubscribe https://ainfos.ca/mailman/listinfo/a-infos-fr
Archive: http://ainfos.ca/fr
A-Infos Information Center