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(fr) FA Commune de Paris - L'autogestion, c'est pas de la tarte

Date Sat, 19 Jul 2025 21:12:30 +0100


Comment ne pas reprendre ce vieux titre de 1978, de fait si nous en rêvons toujours, nous n'avons pas beaucoup avancé malgré quelques essais ici et là: des ZAD, des coopératives, quelques expériences éducatives comme le LAP ou Bonaventure...  ---- Historiquement il convient aussi de ne pas oublier les tentatives communardes autours d'ateliers réquisitionnés en 1871, les collectivités dans l'Espagne révolutionnaire de 1936 à1939 ou encore la lutte des LIP en 1973. ---- Si l'autogestion est d'abord et surtout un mode de production industrielle et agricole, elle est aussi, même si le terme n'est pas toujours employé, une revendication et des pratiques éducatives qui participent de l'émancipation et du processus révolutionnaire. Je partage le point de vue de Bakounine sur la priorité à donner à l'émancipation économique, comme il le soulignait déjà en 1869. Ce dernier écrivait: «malgré tout notre respect pour la grande question de l'instruction intégrale, nous déclarons que ce n'est point là aujourd'hui la grande question pour le peuple. La première question, c'est celle de son émancipation économique, qui engendre nécessairement aussitôt et en même temps son émancipation politique et morale » et dans le même mouvement la généralisation de l'éducation intégrale et rationnelle.

Je pense aussi qu'on ne naît pas autogestionnaire mais que l'on le devient et que, en ce sens, l'éducation est l'un des leviers de cet apprentissage. En ce sens, j'écrivais dans Autogestion pédagogique & éducation populaire  que si l'autogestion pédagogique est une expression récente de l'après-Mai 68, le concept est de facto beaucoup plus ancien. Il est possible d'en trouver les principes dès la fin du XIXe siècle. En effet, de manière explicite mais sans utiliser le terme d'autogestion, nous lisons sous la plume de James Guillaume (1864-1916) les propos suivants: «Dans leurs réunions, les enfants seront complètement libres: ils organiseront eux-mêmes leurs jeux, leurs conférences .»

Guillaume énonce bien là le principe premier de l'autogestion pédagogique, à savoir celui de pouvoir décider collectivement de son activité, en d'autres termes, ceux-là mêmes d'Albert Thierry, de vivre et de mettre en place l'action directe pédagogique. Et Guillaume d'ajouter: «Ils établiront un bureau pour diriger leurs travaux, des arbitres pour juger leurs différends, etc.» N'est-ce pas ici la préfiguration d'un soviet de classe ou d'école, un conseil où les enfants organisent leurs débats, prennent des décisions, gèrent leurs éventuels différends et conflits? Conseil que l'on trouve aujourd'hui mis en place dans les écoles où se pratiquent des pédagogies progressistes. Et il ajoute: les enfants ainsi «s'habitueront [...] à la vie publique, à la responsabilité, à la mutualité» . Guillaume préconise l'apprentissage in vivo de l'autogestion pédagogique non pas aux seules fins d'apprentissages de savoirs académiques mais à des fins sociales. «L'école du peuple» doit permettre au peuple de développer son propre système de valeur et de fonctionnement. L'école, la classe deviennent des laboratoires sociaux où se construisent, se débattent, se décident, se testent, se perfectionnent... d'autres modalités de gestion et d'administration des sociétés humaines. La pédagogie de l'autogestion est donc initiatrice et préfiguratrice de fonctionnements sociaux différents, non plus ceux de la compétition mais ceux de la saine émulation et de la gestion collective du bien commun. Prenons garde à ne pas oublier l'articulation nécessaire et absolue entre le pédagogique et le social, une pédagogie autogestionnaire sans valeurs sociales pourrait être contre-productive, voire un excellent outil de domination. Il ne me semble pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit à cette démonstration toujours d'actualité. J'ajoutais dans le même volume que pour parfaire le modèle de l'autogestion pédagogique, il convenait de bien distinguer ces trois niveaux.

J'écrivais donc: Le premier niveau d'autogestion pédagogique, sans doute le plus connu et le plus fréquent et peut-être le plus théorisé, est celui de la «classe» et des espaces éducatifs restreints. Le mouvement Freinet (ICEM)  et Freinet lui-même ont beaucoup oeuvré dans ce sens et beaucoup agi pour que la coopération et l'émulation entre les apprenants s'organisent le plus librement possible pour travailler l'apprendre et, dans l'idéal, parvenir à un effacement significatif du «maître». La coopération entre égaux comme moteur des curiosités et des apprentissages, une place et un rôle pour chacun.e en fonction de ses talents, de ses désirs, de ses intérêts, ou de ses passions aurait écrit Fourier. Mais ce que nous ont transmis les «frénétiques», c'est que la coopération, l'autogestion, cela s'apprend, cela ne s'improvise pas. Elle est l'affaire de tous, elle se construit collectivement et par étapes. À la fois pour le maître qui doit renoncer à une large part de son pouvoir autocratique sur la classe et d'absolu le rendre relatif, insignifiant, réduire l'asymétrie des positions, se muer en facilitateur. En bref, rompre avec les habitus que le modèle dominant lui a inculqués et laisser sa place pour que les apprenants trouvent la leur. Apprentissage par l'entraide et la co-construction des savoirs mais aussi, et c'est une grande leçon du courant de l'autogestion pédagogique, apprentissage d'autres modes de fonctionnement collectifs grâce à l'écoute et à la parole partagées, modes d'action transférables dans toutes les strates de la société. Et ainsi, de facto, coopérer et autogérer la classe, c'est préparer un autre futur.

A cela j'ajoutais:  le deuxième niveau d'autogestion pédagogique dépasse celui de la seule classe pour s'intéresser à la gestion de l'institution (l'école) dans son ensemble et inscrite dans un environnement hostile ou non. Les tenants de la pédagogie institutionnelle (PI) furent des acteurs incontournables de cette problématique considérant «l'école» comme un fait global inséré dans une réalité sociale plus large et qui souvent, toujours, la dépasse. Il ne s'agit plus de gérer, voire d'autogérer, l'espace classe mais la totalité de la structure éducative. Néanmoins, comme dans le niveau précédent , il convient d'auto-organiser la classe entre élèves et éducateur, c'est la fonction du «conseil» qui prend le plus souvent la forme d'une AG hebdomadaire où se décident les projets d'apprentissage, la programmation des sorties, des voyages, où s'élaborent les règles de vie, se gèrent les différends... Assemblée générale de classe où chacun peut s'exprimer et où à tour de rôle chacun assume la gestion des tours de parole, le secrétariat... Mais pour gérer l'établissement il convient de mettre en place d'autres lieux d'expression et de décision, avec ou sans délégation contrôlée, où se retrouvent en plénière ou pas tous les acteurs. La rotation des mandats est en général la règle et leur durée et leur renouvellement sont limités . Dans cette configuration, la parole de tous et toutes a même valeur et même importance quels que soient l'âge ou le statut (élèves, enseignants, personnels administratifs...) des locuteurs. Toutes les opinions et points de vue y sont exprimables, l'écoute et le respect de l'autre étant une règle éthique absolue. Au-delà des savoirs académiques toujours visés, il s'agit aussi, dans le processus autogestionnaire, de parvenir à l'apprentissage direct des modalités de fonctionnement de la démocratie réelle dans une petite communauté d'égaux.

Le troisième niveau concerne l'individu lui-même et ne dépend que de son désir, de sa volonté, de ses centres d'intérêt et de sa responsabilité. Il s'agit pour lui d'autogérer ses apprentissages dans le cadre de la plus grande «liberté de faire pour être» . Cette autogestion, cette auto-organisation des savoirs, là aussi s'acquière, et c'est sans doute la plus difficile à conquérir. Apprendre à apprendre n'est pas, compte tenu du système éducatif dans lequel nous vivons ou avons vécu, une priorité, bien au contraire, car de fait elle autonomiserait trop les individus que le système en place souhaite contrôler tant dans les actes que dans leurs savoirs.

Que dire de plus 10 ans après cette publication? Le LAP a été autoritairement fermé et une des plus belles expériences d'autogestion pédagogique, 42 ans, a été stoppée nette par le pouvoir d'état. Quant au lycée expérimental de Saint-Nazaire, il poursuit bon an mal an son expérience de co-gestion pédagogique. A quand de nouvelles tentatives, à quand l'autogestion généralisée?

Aux militant-e-s d'aujourd'hui et de demain de relever le défi d'une éducation libre dans une société libre?

Notes:
[1] L'égalité, L'instruction intégrale, n°31, 21 aout 1869
[2] Editions libertaires, 2014.
[3]. Guillaume J., «Idées sur l'organisation sociale», in Besnard P., Les Syndicats ouvriers et la Révolution sociale, Éditions le Monde nouveau, Besançon, 1978, p. 324.
[4]. Ibid., p. 324.
[5]. J'emprunte cette formule à P. Gambard dans son article «La libre fréquentation: un pas vers l'émancipation» in Une fabrique de libertés, le Lycée autogéré de Paris, Éd. Repas, Saint-Étienne, 2012.
[6]. Ibid., p. 207.
[7]. ICEM: Institut coopératif de l'école moderne.
[8]. Comme le proposait déjà J. Guillaume (voir H. Lenoir, De l'autogestion en pédagogie).
[9]. Voir pour exemple le fonctionnement du LAP in Collectif élèves, professeurs, Une fabrique de libertés, le Lycée autogéré de Paris, Éd. Repas, Saint-Étienne, 2012.

https://federation-anarchiste-groupe-commune-de-paris.over-blog.com/2025/07/l-autogestion-c-est-pas-de-la-tarte.html
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