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(fr) Courant Alternative #346 (OCL) - Martinique: Entre répression policière et harcèlement judiciaire

Date Tue, 14 Jan 2025 17:40:29 +0000


Après 3 mois de révolte contre la vie chère initiée par le RPPRAC, le harcèlement judiciaire contre le «R» (1) et les militant·es les plus proches de l'association vient renforcer la répression policière. ---- L'État colonial au secours de la bourgeoisie locale ---- Après plus de 3 mois de manifestations pacifiques, de barrages ou de pillages (2), et tandis que Rodrigue Petitot, dit le «R», était fêté à Paris par les antillais comme par des réunionnais, des guyanais, des kanaks..., le nouveau ministre des Outre-Mer, F.N. Buffet, s'envolait pour une tournée du 11 au 14 novembre en Martinique. Lors de sa conférence de presse, après avoir rencontré le Préfet, les élus locaux, le patronat et les syndicats, le ministre vantera les bienfaits de l'Union Nationale, et du protocole «d'objectifs et de moyens» signé le 16 octobre 2024 par les patrons de la grande distribution et la bourgeoisie locale. Un accord survenu après quelques tables rondes entre partenaires responsables, et sensé éteindre l'incendie des 2 mois de révolte. Un accord refusé par les représentants du RPPRAC et désigné par la population comme «un protocole au rabais». En effet, là où les manifestants et la population demandaient l'indexation des prix sur ceux de la France (40% moins chers), ne figurent qu'une baisse de 20% concernant seulement 6 000 produits sur les 40 000 affichés. Et outre le fait que le différentiel de baisse sera comblé par l'État et les impôts, cet accord n'implique en rien les patrons des grandes enseignes non contraints à le respecter par une quelconque mesure d'astreinte.

Le bras armé de la justice

Durant le séjour du ministre en Martinique, pour le bien-être de la bourgeoisie locale et la sérénité de tous les partenaires, la procureure a pris soin de neutraliser des membres du RPPRAC.

Les leaders du mouvement ont maintes fois sollicité une entrevue avec le ministre. Lassés et sans réponse, ses représentants, militants et manifestants se sont donc invités le 11 novembre, sans violence comme l'attestent de nombreuses vidéos, dans la résidence préfectorale. Les portails étaient ouverts et les nombreux policiers sont restés sans réaction à l'entrée d'une délégation. Nouveau refus du préfet et du ministre de les recevoir. Pour cette action, leur leader sera incarcéré, et libéré seulement le 14 novembre jour du départ du représentant du gouvernement, mais avec une nouvelle convocation, dès le lendemain devant le tribunal de Fort de France. Trois autres responsables, dont la trésorière du RPPRAC, seront aussi interpellés. Des perquisitions en règle et des interpellations musclées, sans qu'il y ait eu au préalable de simples convocations à leur encontre. Ainsi que leur Président, ils et elle, sont accusés «d'atteinte à la vie privée et de tentative d'intimidation». Leurs avocats dénoncent ces procédés et l'instrumentalisation de la justice par le pouvoir, afin de discréditer les initiateurs du mouvement contre la vie chère et, par ces méthodes et exemples, faire peur à la population en révolte à leurs côtés. Une répression étatique qui par ailleurs embarrasse et divise une partie des édiles locaux, qui au contraire désirent des mesures d'apaisement car engagés et confrontés, sur le terrain au quotidien, à la colère de la population.

Le 15 novembre Rodrigue Petitot, libéré la veille, est à nouveau placé en garde à vue et jugé en comparution immédiate, aux motifs d'intimidation envers des élus locaux, d'incitation à la violence et à la haine via ses réseaux sociaux. Il écope d'une peine de prison de 10 mois aménagée sous surveillance d'un bracelet électronique, une interdiction de quitter son domicile de 21 heures à 6 heures, l'interdiction d'approcher le Préfet ou les environs de la préfecture et doit se rendre une fois par semaine au commissariat. Deux affaires en deux semaines concernaient le leader du RPPRAC avec déjà une condamnation en correctionnelle.

Rejugé le 5 décembre, R. Petitot, est accusé cette fois, d'intrusion au domicile, ou plutôt dans la résidence préfectorale, durant la visite du ministre des Outre-Mer et pour ses propos: «On va vous attaquer, on va faire un grand nettoyage, de l'extérieur comme de l'intérieur». Des propos qui sont incriminés par la justice d'État et la plainte du Préfet. Il est reconnu coupable alors que l'association des maires de l'île affirme n'avoir déposé aucune plainte.

L'ordre colonial doit régner

D'abord placé en détention provisoire et sous contrôle judiciaire, après appel du parquet de Fort de France, le «R» restera écroué jusqu'à son procès le 21 janvier 2025. A l'annonce du nouveau verdict et de sa mise en détention jusqu'au 21 janvier, les avocats dénonceront l'instrumentalisation politique du procès considérant alors R. Petitot comme un prisonnier politique. «C'est une décision de justice commandée peut être par des motifs politiques» a fustigé son avocat.

Quant à l'incitation à la haine, que certains caractérisent de raciale, elle n'est que la dénonciation de fonctionnaires (blancs) nommés par l'État et des Békés (blancs aussi) descendants et héritiers des esclavagistes (blancs toujours) et maîtres des circuits de distribution, tel celui du groupe de B. Hayot. La réalité dans ces confettis de l'empire: les Antilles, la Kanaky, Mayotte... est que l'État colonial nourrit et entretient pour ses intérêts un racisme. Un racisme officiel qui profite aux exploiteurs et possédants et spolie les populations.

Rappelons que dès le début l'État républicain à tenté de mater cette révolte par une répression brutale, par l'instauration du couvre-feu, par les arrestations des leaders ou d'émeutiers (214 personnes interpellées, 92 ont reçu une réponse pénale dont 16 incarcérées), par l'interdiction de manifester, par l'intervention brutale des forces coloniales: forces spéciales, RAID, CRS dont la fameuse CRS 8, le déploiements de blindés... etc. Un scénario déjà rodé dans d'autres colonies comme Mayotte, mais surtout en Kanaky lors de la révolte de la population et contre les militants et responsables du CCAT (3) victimes d'un acharnement policier et judiciaire qui à conduit à la déportation de certains dans les prisons françaises.

Faire taire par tous les moyens est donc la réponse de l'État qui veille à ses intérêts propres et à la sauvegarde de la propriété privée. Comme toujours, il reste protecteur et bienveillant avec les riches capitalistes soucieux de leurs profits, mais n'a que faire des préoccupations immédiates de la population et des travailleurs.

Après les violentes interventions policières, voici venu le temps de la répression et du harcèlement judiciaire contre les participants au mouvement. Interpellé plusieurs fois puis relâché il semble que le leader du mouvement contre la vie chère soit devenu la cible à neutraliser, pour l'exemple, par les tenants de l'ordre.

Pourtant s'il est vrai que le mouvement a perdu en intensité, des centaines de personnes étaient présentes aux audiences et à l'extérieur du tribunal. Ils et elles scandaient: «Wouj! Wouj! Wouj!» -Rouge! Rouge! Rouge!- la couleur de leur unité, de leur révolte et de leur espoir.

Et si, le mouvement semble s'essouffler, n'en doutons pas, les braises s'enflammeront de nouveau.

Decaen 7/12/2024.


Notes
1... leader du mouvement contre la vie chère et président du RPPRAC (Rassemblement pour la Protection du Peuple et des Ressources Afro Caribéennes)
2... lire C.A, N° 344, Martinique: vie chère et colère. C.A, N° 345, Martinique: la colère persiste.
3... Cellule de Coordination des Actions de Terrain. Est créée en novembre 2023. Est plutôt un regroupement d'indépendantistes qu'une organisation. Lire aussi sur - la Kanaky - les C.A N°344 de novembre et N°345 de décembre.

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4338
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