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(fr) Organisation Communiste Libertarie (OCL) - Radio: Situation en Argentine 2, Grève chez Carrefour
Date
Tue, 22 Jul 2025 17:53:42 +0100
Témoignages de sans papiers ---- Les deux interviews qui suivent ont été
réalisés par l'équipe de «l'actualité des luttes» sur Fréquence Paris
Plurielle. Ils éclairent crument la situation de surexploitation que
vivent les sans-papiers. Il faut bien comprendre que la chasse aux
sans-papiers, qui semble être l'alpha et l'oméga de la politique
gouvernementale depuis un certain temps déjà, n'a pas pour objectif
principal d'expulser un maximum de sans-papiers du territoire. Le but
premier, en augmentant la pression qu'ils et elles subissent, c'est
qu'elles et ils acceptent des conditions proches de l'esclavage. Il
s'agit de reproduire ici les conditions d'exploitation des pays les plus
pauvres du tiers monde. Au passage, ça permet de désigner un bouc
émissaire et d'économiser sur les frais de transports. Tous bénéfices donc.
On peut le vérifier sur la question des «métiers en tension», qui permet
des régularisations. Une liste par région a été publiée par le
Ministère. On s'aperçoit que ce sont surtout des qualifications bien
particulières. Par contre, on n'y retrouve ni le nettoyage, ni la
logistique, secteurs pourtant gros utilisateurs de main d'oeuvre sans
papiers. C'est qu'autant les patron·nes de PME qui manquent de main
d'oeuvre qualifiée sont demandeurs et demandeuses de régularisations
pour pouvoir embaucher, autant les secteurs du nettoyage et de la
logistique ont besoin d'une main d'oeuvre très bon marché de façon à
diminuer les couts. A la fois dans les secteurs en question pour
résister à la concurrence, et dans l'intérêt de l'industrie et des
services en général parce que ce sont des couts obligatoires (il faut
bien nettoyer et distribuer) qu'il s'agit de compresser.
Interview de salarié-es sans papiers ex NTI
En avril dernier l'équipe de l'actualité des luttes [1] se rend à la
bourse du travail de Gennevilliers pour rencontrer les ex-salarié-es de
NTI employé-es de 2019 à 2023. NTI, entreprise de sous traitance du tri,
du nettoyage a été placée en redressement judiciaire il y a deux ans,
mais les anciens employés visent désormais les donneurs d'ordres.
Tous-tes ont décidé de poursuivre NTI aux prud'hommes, ainsi que les
filiales de Veolia, Suez, Paprec et Urbaser, où ils-elles ont été
affecté-es...
Historique
Le 28 aout 2023 huit hommes et trois femmes occupent, le centre de tri
XVEO Veolia à Paris. Originaires du Maroc ou d'Algérie, ils et elles
travaillent depuis 2019 dans des centres de tri de région parisienne. Au
début de l'année 2023, à la suite de contrôles de l'inspection du
travail, la société NTI a cessé de leur donner du travail. Les
dirigeants ont mis la société en liquidation judiciaire pour échapper
aux sanctions, aux contrôles, au suivi, et une partie de ses dirigeants
a depuis fondé la société AR Environnement. Les salarié-es réclament des
dommages et intérêts pour discrimination, travail dissimulé, ainsi
qu'une contestation de la rupture de leur contrat de travail. De plus,
ils-elles demandent une embauche en CDI dans l'une des filiales et leur
régularisation, une promesse qui avait été formulée par NTI.
Ils et elles ont obtenu une première audience le 8 novembre 2023 au
bureau de conciliation et d'orientation (BCO) du Conseil des Prud'hommes
de Paris pour attaquer NTI mais aussi Veolia, Suez, Paprec et Urbaser en
justice. Entre temps, Veolia a tenu ses promesses d'embaucher ces
salariés une fois leur situation clarifiée par la préfecture.
Initialement programmée le 24 novembre 2024, l'audience suivante a été
reportée au 26 septembre 2025.
Conditions de travail
Nadia de l'émission «L'actualité des luttes»: «NTI emploie généralement
des personnes fragiles, des hommes en situation précaires ou des femmes
qui élèvent seules leurs enfants ou sont enceintes, ce qui les oblige à
travailler dans des conditions que personne n'accepterait avec des papiers».
Ischam: «J'ai travaillé de 2017 à mai 2021 sans contrats de travail,
sans congé, ni formation, dans les fours, dans les usines
d'incinération. J'étais payé 60 euros la journée, 80 euros la nuit.»
Anasse: «Je travaille 1 an et demi sans contrat avec NTI, même pendant
le Covid. Puis j'ai eu un contrat «CDI fin de chantier», ce qui n'existe
pas. Je fais le travail que les embauchés ne veulent pas faire. On me
vole mes heures supplémentaires qui ne me sont pas payées et pour être
repris la semaine suivante, je dois donner une certaine somme au chef
d'équipe. Il m'arrive de travailler la nuit jusqu'à 4h et d'aller sur un
autre site de 6h jusqu'à 15h. Je ne peux pas refuser sinon on me dit de
dégager et j'ai une famille à nourrir au bled. J'ai eu deux accidents de
travail un avec Veolia, en faisant de la maintenance, je suis tombé de 2
mètres, l'autre chez Paprec, on m'a fait nettoyer sous un tapis de tri,
ce qui est interdit. Pas de protection, pas de chaussures de sécurité,
rien n'est fourni par l'employeur. On prend le matériel de protection
qu'on trouve dans les entreprises où on travaille et qui appartient à
d'autre employés.» Lui est algérien et son chef lui dit qu'il n'aime pas
les Algériens. Il préfère les Marocains.
Nadia: «Ceci rappelle les années 1970 où les patrons allaient chercher
des travailleurs directement dans leur village au Maroc, parce que les
Marocains étaient censés être plus dociles.»
L'un a mis un an, l'autre six mois pour arriver en France, en passant
par la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie,
l'Albanie, l'Autriche, l'Italie à pied par les bois, parfois agressés
par la police aux frontières.
Y. a été embauché à NTI, où il est payé de la main à la main, pas de
fiches de paye, pas de sécurité sociale, pas d'assurance, ni de congé
payés. «Le travail est vraiment difficile et l'environnement est sale et
sans sécurité. On me demande de conduire des machines alors que je n'ai
pas le permis.»
M.: «J'ai été embauché en 2018 à EPS, puis en 2019 à NTI avec les mêmes
patrons, dans les travaux dangereux payés 700 euros par mois dans une
enveloppe, et le chef de chantier prélève jusqu'à 100 euros pour qu'il
te reprenne la semaine suivante. Puis j'ai été déplacé à Carrière sur
Seine, Meaux, Moulin. J'ai finalement obtenu un contrat de travail, en
2021 avec Paprec.»
Nadia: «Pourquoi ces boites changent tout le temps de nom?»
Ali, délégué CGT à Veolia: «En fait EPS est une entreprise de la
convention collective des activités de nettoyage et auxiliaire, elle
existe toujours. Elle s'occupe de la sous traitance par exemple des
agents de quai et d'entretien, ce qui n'est pas le coeur de métier d'un
incinérateur. Les autres salariés et autres entreprises sont affiliés à
la collectivité des activités des déchets ou à celle de Fedem et de
l'énergie. Pour répondre aux appels d'offres, EPS a été à l'origine de
la création de NTI. Pour se spécialiser dans le déchet elle a créé NTI
Collect puis quand elle a été cramée médiatiquement, elle a créé
AER-Environnement. Ce sont des stratégies de changer tous les deux ans.
Ainsi les salariés sont payés par des "sociétés taxis"».
Nadia: «On a eu des témoignages de coups de fil pour dire aux employés
de continuer à travailler bien qu'ayant travaillé la nuit. C'est du
management au coup par coup, sans savoir si on va travailler ou pas,
donc les personnes sont corvéables à merci.»
Ali: «C'est vrai qu'ils étaient H24 sous le cadre conventionnel
d'astreinte. Sauf que même le cadre d'astreinte ne permet pas de le
faire H24. Eux n'étaient même pas déclarés, donc on n'est pas dans des
considérations d'astreintes. Cette flexibilité au travail a un prix. Là
ce sont des conditions qui sont très spécifiques et qui ne sont pas
autorisées pour tous les corps de métiers. L'astreinte elle est très
cadrée. Eux et elles étaient payés en dessous des socles sociaux
traditionnels sur des heures de travail lambda.»
Nadia: «Il y a ces astreintes, les taux horaires très bas et le fait que
les patrons ne payent pas de charges sociales. Il y a une volonté du
patronat d'étendre cela à l'ensemble des travailleurs avec ou sans
papiers. Mais ils le font déjà avec les sans papiers, ils s'assoient sur
les conventions collectives, sur les droits des travailleurs. Pas de
sécurité sociale, pas d'arrêt maladie, c'est de l'esclavagisme.»
Ali: «On est en train de faire le recensement du nombre de travailleurs
sans papier squi travaillent indirectement pour l'État ou les
Collectivités Locales à travers les obligations de traitement des
déchets ménagers. La difficulté à se compter vient du fait qu'une partie
est en service public, une autre partie en délégation de service public
dans les entreprises citées et parmi les opérateurs privés, certains
sous traitent une partie de leur activité que l'on considère comme
«coeur de métier». C'est pour cette raison qu'on attaque au tribunal
pour le délit de marchandage. En fait la sous traitance n'est pas
utilisée pour des activités annexes, le jardinage, ou une activité
ponctuelle... La raison d'être des centres de tri est de trier de faire
de l'entretien et de la maintenance et les salariés étaient employé pour
cette activité.»
Les humiliations
Y: «On a supporté les mauvaises conditions de travail mais aussi les
humiliations. Nous sommes des êtres humains, nous aspirons à la dignité.
Quand on vient sans gants, ou masques pour travailler, on nous
renvoient. Rien ne leur est fourni par la société. Le casque que je
porte, je l'ai trouvé dans une poubelle.»
L: «Je travaille de 2018 à 2021 à NTI sans contrat, ni assurance, ni
congé. Je cumule travail de nuit et de jour. J'ai eu parfois l'occasion
d'être sur les tapis de tri avec les salariés embauchés par Veolia. S'il
y avait un problème technique, les embauchés attendaient qu'il soit
résolu, mais nous on nous envoyait toujours nettoyer ailleurs. Quand il
n'y avait que les salariés de NTI la nuit avec Veolia, le tapis tournait
plus vite. On triait 75 tonnes en 5 h la nuit, alors qu'ils n'en
triaient que 40 tonnes la journée. On nous appelait à n'importe quelle
heure, parfois 2 h du matin pour nettoyer quand les machines s'arrêtaient.»
B: «Le patron m'a demandé de ramener un faux papier pour me déclarer.
Tous les responsables des sociétés Véolia etc savent qu'on n'a pas de
papiers. Mais ils entretiennent des relations et ont des cadeaux des
chefs de NTI et font comme s'ils ne savaient rien. Une fois en 2021, on
travaillait le samedi matin. Ils nous ont appelés, 16 personnes pour
travailler jusqu'à minuit et le lendemain dimanche, certains ont encore
travaillé toute la journée. Pour trouver des travailleurs comme ça c'est
impossible samedi et dimanche et surtout payés vraiment pas cher.»
Logement
A. paye 770 euros pour 16 m².
Ali: «Entre 2009 et 2015 la plupart vivaient dans des foyers. Après la
première grève et la victoire, ils ont été accompagnés dans du
relogement. Ceux qui ont été régularisés en 2023 ont pu dénoncer les
marchands de sommeil qui les logeaient. Puis la situation s'est
inversée, leurs bailleurs se sont retrouvés en situation de
vulnérabilité par rapport à la loi et ont changé les serrures des
appartements. Donc certains se retrouvent à la rue. Ce qu'on n'avait pas
lors de la première grève. Il y avait 3 revendications initiales:
embauche, papiers et reconnaissance du préjudice et sa réparation puis
sont arrivés des revendications sur le logement, le salaire et les
conditions de travail.»
Les femmes
Hind, une femme algérienne qui a été embauchée à NTI en 2019, témoigne
avoir travaillé 3 ans et demi. Alors qu'elle était enceinte de 8 mois,
elle a continué à travailler, même la nuit. «Je n'avais même pas de
contrat de travail. Je n'avais pas le droit à des congés payés, des
paniers repas ou à un congé maternité. J'ai arrêté de trier les déchets
à huit mois de grossesse. C'était très dangereux pour le bébé avec toute
la saleté que je respirais». «J'ai aussi fait le ménage chez le chef
d'équipe. Comme il était toujours derrière moi à me dire ce que je
devais faire, j'ai arrêté.» Entre 4 et 10 femmes travaillent sur le
tapis de tri. Ce sont souvent des femmes seules avec enfants qui sont
obligées d'accepter ces conditions de travail dégradantes.Ali: «Pour nos
collègues féminines, en plus d'être sans papier, vient se cumuler le
fait d'être une femme. Comme on est dans des collectifs très masculins,
ce n'est pas évident de libérer la parole des femmes sur ces sujets là.
Le congé parental n'est pas respecté. L'emploi de femmes enceintes
jusqu'à 8 mois, de jour et de plus la nuit est illégal. Cela accentue le
risque d'accident de travail. Et ce qui m'a interpelé aussi c'est le
mode de management: "Il est venu me dire ce que je dois faire dans mon
dos" rapporte Hind. Les consignes de travail, quand il y a un lien de
subordination, doivent être données en face, dans les yeux ou par écrit,
mais pas dans notre dos. A NTI, les conditions étaient réunies pour
faire du management dans le dos des salariées féminines, de leur
demander de faire le ménage dans les domiciles personnels des
responsables. On a eu des témoignages de recrutement sur des critères de
beauté, donc l'environnement était propice aux agression sexuelles. Cela
vient illustrer le management violent, sexiste et pouvant aller
éventuellement jusqu'à des agressions sexuelles. Les femmes ont eu une
difficulté que les hommes n'ont pas eu pendant la grève. Quand la CGT
les a accompagnées sur la voie de la régularisation administrative,
elles ont du faire un choix entre la régularisation par la voie de la
famille ou la voie du travail. Et cela n'a été facile pour aucune
d'entre elles.»
Après la grève
Nadia: «C'est suite à une première plainte dont tu étais qu'il y a eu un
deuxième groupe de personnes qui sont allés aux prud'hommes. Peux tu
nous raconter cette première grève pour dénoncer ces conditions de travail?»
Ismaël: «J'ai été embauché chez EPS, qui est devenu NTI, puis AR
Environnement. Après la plainte il n'y avait plus de travail. On a fait
des réunions de mars à la fin aout 2023, puis la grève.»
Ali: «L'élément déclencheur d'une inspection du travail, c'est un
accident de travail, pas déclaré et essayé d'être camouflé. Même sans
papiers, on peut déclarer un accident de travail. Ismaël a alerté
l'inspection du travail et la CGT simultanément. Mais il a été écarté du
travail. Les donneurs d'ordre ont caché des preuves à l'inspection du
travail, essayé de se débarrasser des salariés. Mais ces derniers se
sont réunis dans les bourses du travail pour s'organiser, faire une
enquête sur ces sans papier qui travaillent pour l'État et les
Collectivités. Après la grève on a gagné des promesses d'embauche avec
Veolia avec un contrat de travail, des fiches de paye et des congés, le
récépissé, titre de séjour, qui permet de travailler. Deux agents
d'entretien, 4 ou 5 trieuses, 1 agent d'infrastructures et 1 pontier
(sur pont roulant), métier en tension nécessitant un diplôme (CACESS)
ont été embauchés. Ils ont développé un certain nombre de compétences
sur des métiers en tension. Ils ne sont pour l'instant pas dans la liste
des métiers en tension en Île de France dans le nouveau projet de loi
immigration. Ils ont gagné leur dignité, mais aussi le gout à la lutte
collective et à la grève.»
M: «Je suis agent d'entretien mais on me demande de faire conducteur
d'engin. Donc même avec des papiers, on est encore corvéables. Il y a eu
une amélioration des conditions de travail, mais j'ai eu un accident de
travail, et maintenant je suis en arrêt. On attaque encore au tribunal.
Les cadres nous disent que ce qu'on a fait à Veolia et aux autres
sociétés, c'est pas bon, ils mettent la pression sur les salariés.»
Nadia: «On a vu cette première lutte. Toi tu fais partie de la deuxième
vague et tu as réagi au mot de dignité.»
H: «Ils ont galéré 3 ans à travailler comme des esclaves et puis ils ont
obtenu un contrat et l'assurance maladie comme tous les salariés.»
Fatima nous rejoint avec son fils. Elle faisait partie des 11 grévistes
le 28 aout 2023. Elle travaille maintenant comme trieuse à Veolia. «Avec
la grève on a gagné de meilleures conditions de travail et des contrats
de travail et des papiers. C'est pas comme avant où on travaillait comme
des esclaves.»
L : «Je travaille avec NTI jusqu'en 2021 puis en CDI jusqu'en aout 2023.
Je m'engage dans la lutte pour ma dignité. La convocation au prud'hommes
de mars 2025 a été repoussée en septembre. Le premier groupe a obtenu
des papiers qui permettent d'avoir de meilleures conditions de travail
et de vie.»
La plupart ne travaillent plus depuis cette deuxième plainte car la
société a déposé le bilan. Mais tous restent mobilisés. Ils se sentent
comme des citoyens de seconde zone. Ils attendent beaucoup de cette
procédure pour regagner leur dignité.
L: «Je suis obligé de faire des crédits auprès d'amis pour payer le
loyer. Je suis courageux pour travailler mais quand je suis embauché sur
le marché de 5h à 14h pour 20 euros, ce n'est pas correct. Quand on n'a
pas de travail et pas de papiers on n'est rien du tout, même pas un
homme, même pas une machine. On évite le travail, d'aller à Paris pour
ne pas se faire arrêter par la police.»
H: «En novembre 2023 on a attaqué aux prud'hommes, mais la première
audience prévue en novembre est repoussée en mars 2024, car les sociétés
ne répondent pas en temps et en heure, ils font ça exprès.»
Nadia: «Les patrons aujourd'hui se donnent les moyens par
l'externalisation, par l'embauche de sans papier, en changeant le nom de
leur société, de nier les droits que les travailleurs avec ou sans
papier ont conquis à force de lutte. Il y a des lois hyper répressives,
hyper sécuritaires, qui pointent les étrangers comme responsables de
tous les maux. Et par ailleurs ils les exploitent de façon indigne.»
H: «Ils profitent de nous étrangers, surtout ceux en situation
irrégulière. Les patrons sont encore libres, ils peuvent encre
travailler, mais pas nous. Il faut que cela s'arrête. Cela salit l'image
de la France. On n'a pas traversé 11 pays pour se retrouver traités de
cette façon. On avait une autre image de la France avec sa devise de
Liberté Égalité Fraternité.»
Interview de grévistes sans papiers
du Carrefour de Villeneuve-la-Garenne
Ceci est une retranscription d'une interview réalisée par l'équipe de
«l'actualité des luttes». En 2024, Carrefour recrute des sans-papiers en
situation irrégulière. La direction leur avait promis un contrat à durée
indéterminé CDI, pour finalement, leur demander d'apporter une fausse
carte d'identité afin de signer un contrat de six mois. Ces employés du
magasin de Villeneuve-la-Garenne ont donc dénoncé des pressions et un
«racket» de leur hiérarchie et ont été licenciés. Les salariés ont
décidé de se mettre en gréve et ont appelé à un rassemblement le
mercredi 21 mai 2025 devant l'entrée du carrefour.
Sur place les 7 licenciés mais aussi des salariés du Carrefour qui les
soutiennent. La CGT espère une grève massive, car sans ces salariés le
magasin ne peut plus fonctionner. C'est un moyen de pression pour que la
direction les reçoive et écoute leurs revendications. Des personnes qui
viennent faire leurs courses s'arrêtent, s'informent et certains restent
aussi pour les soutenir.
Hafide: «On est là pour dénoncer une situation intolérable à l'égard des
travailleurs sans papiers. A l'embauche, un intermédiaire m'a promis un
travail en CDI payé entre 1800 et 2500 euros, si je lui donnais 2500
euros. Et finalement je me retrouve avec un contrat de
professionnalisation de 6 mois, subventionné par France Travail, sans
promesse d'embauche et payé 1400 euros. Si on n'est pas là le magasin ne
fonctionne pas. Le travail est difficile, on porte les produits, par
exemple les liquides qui sont assez lourds et on a une charge de travail
importante. On est 7 à avoir été licenciés, les autres vont avoir
beaucoup de travail pour mettre tout en rayon. Le directeur régional et
la directrice des ressources humaines régionale sont venus me prévenir à
ma prise de poste à 4 h30 du matin que j'étais licencié, pareil pour les
autres. Ce système existe depuis au moins 2024. Il faut présenter une
fausse carte d'identité et on est embauché. Mais je connais deux
personnes, qui déjà avant 2024, ont été licenciées après 6 mois, alors
qu'elles donnaient satisfaction au travail. On vire des personnes et on
embauche d'autres dans les même conditions. Sans l'inspection du
travail, cette situation n'aurait pas été révélée.» Un contrôle inopiné
de l'inspection du travail a en effet permis de démontrer qu'il y a du
travail dissimulé.
Un employé commercial raconte la même histoire de racket. Il a pris
beaucoup de risques pour venir en France en 2023 et il a du payer des
passeurs. Et ici en France on le rackette aussi officiellement. «Il y a
une discrimination flagrante et les tâches les plus pénibles sont
confiées aux travailleurs sans papiers. Heureusement que l'inspection du
travail est passée et que la CGT nous soutient, c'est pour cela qu'on a
décidé de se mettre en grève. La même situation se produit dans d'autres
Carrefour.»
Salah: «Je travaille ici pendant 6 mois, un ancien chef de secteur m'a
demandé 2500 euros pour être embauché. Au début il a dit que je pouvais
payer 500 euros par mois, mais le premier jour avant de signer le
contrat, j'ai du faire un versement de 1500 euros à la Western Union
pour rester. J'avais un visa étudiant pour la Roumanie et j'ai ensuite
traversé 4 pays pour arriver en France en juillet 2023. Je travaille de
5h à 11h30 du mardi au vendredi et de 4h à 10h30 le lundi et samedi. Je
dois prendre deux bus de nuit et ensuite marcher 2km. On a discuté avec
la CGT de Carrefour pour décider de cette grève. Trois collègues sont
allés voir l'inspection du travail et on a pris un avocat pour se
défendre. Certains collègues ne maîtrise pas le français, ils se font
avoir. On attend une promesse d'embauche et un CERFA pour aboutir à la
régularisation.»
Mohamed, délégué syndical de la CGT: «Ce qui ma d'abord interpelé ce
sont les conditions de travail des collègues sans papiers. Ils
travaillent en courant avec des tire-palettes, je leur dis de ne pas
prendre de risques. Quand l'un d'eux a été licencié, je l'ai accompagné
à l'UL CGT. Je suis révolté par le racket, qui ne s'arrête pas aux 2500
euros, mais les chefs leur demandent aussi tous les mois de leur faire
des cadeaux, par exemple des parfums, des cigarettes. Ils prennent des
photos des rayons s'ils ne sont pas bien rangés, ils leur demandent de
l'argent sinon ils menacent de les dénoncer. Quand il a arrêté de donner
de l'argent c'est alors que M. H a été licencié.
Pour moi, un grand groupe comme Carrefour, une multinationale, classé au
CAC 40 qui profite de la situation de vulnérabilité de ses employés
parce qu'il sont sans papiers, c'est inadmissible. C'est pour cela qu'on
est en grève aujourd'hui pour les soutenir afin qu'ils soient embauchés
en CDI et qu'ils aient des papiers. Le contrôle de l'inspection du
travail a constaté l'emploi de travailleurs sans papiers et un système
qui perdure depuis plusieurs années et dans d'autres magasins. La
direction ferme les yeux sur ces conditions de travail inacceptables.
Les autres salariés sont choqués de cette situation et solidaires des
licenciés. On a lancé une grève illimitée et s'il n'y a pas de réponse
de la direction on continuera demain et les jours suivants. La CGT
organise un rassemblement à Massy le 28 mai, où se déroulera une
assemblée générale des actionnaires. On a été reçu ce matin avec les
autres syndicats par le directeur intérim, car l'ancien directeur a été
mis à pied à cause de cette affaire. On attend des résultats.»
«D'autre part, Carrefour soutient Israël dans sa guerre génocidaire en
Palestine. Il n'y a jamais eu de discussion la dessus avec la direction,
quand on les interroge ils disent que cela dépend de la direction
générale, qu'ils ne peuvent rien faire. Pourtant on a remarqué une
baisse des ventes dans les rayons Hallal.»
Le vendredi 23 mai, nous apprenions que les salariés et anciens salariés
sans papiers du magasin carrefour, Villeneuve-la-Garenne, avaient obtenu
des promesses d'embauches et des CERFA et cela devrait être régulé d'ici
à la fin de ce mois de mai 2025.
Notes
[1] Émission de radio l'actualité des luttes de 12h30 à 13h30, du lundi
au vendredi, sur Fréquence-Paris-Plurielle 106.3 fm.
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4492
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