A-Infos (fr) Alternative Libertaire #360 (UCL) - Bulgarie: Les antifas face à la Lukov March

Le 22 février 2025 a eu lieu la Lukov March, une manifestation fasciste 
annuelle qui se déroule à Sofia, en Bulgarie. Méconnus du reste de 
l'Europe occidentale mais très actifs, les antifascistes bulgares ont 
organisé la contre-manifestation annuelle pour s'opposer à cet 
événement. ---- La Lukov March est une manifestation créée en l'honneur 
du général Hristo Lukov (1887-1943). Il fut le dirigeant d'une des 
organisations fascistes majeures de la Seconde Guerre mondiale, l'Union 
des légions nationales bulgares, entre 1942 et 1943, jusqu'à son 
assassinat par deux résistants communistes le 13février 1943. ---- La 
première mobilisation en son honneur a lieu en 2003, en petit comité 
dans une église. Durant les années qui suivent, le regroupement devient 
une marche. Elle prend de l'envergure entre 2009 et 2010, grâce au 
soutien fasciste international notamment venu d'Allemagne et en 
particulier du parti néonazi national-démocrate.

Aujourd'hui, l'événement rassemble l'extrême droite de l'Europe entière, 
dont la France. Lors des années précédentes, on a d'ailleurs pu y voir 
les Français de Terre et Peuple ainsi que le militant nationaliste Ivan 
Benedetti. Son parti, Les Nationalistes, y a ainsi fait une apparition. 
L'un de ses membres éminents, Pierre-Marie Bonneau, fut entre autre 
l'avocat d'Alain Soral, Hervé Ryssen, Robert Faurisson et Boris le Lay.

La première contre-manifestation est lancée en 2011 par des 
antifascistes anarchistes. Elle grossit progressivement, aidée par un 
soutien international, d'abord venu de leurs voisins grecs dont les 
mouvements antifascistes et anarchistes sont plus nombreux, avant d'être 
rejoints par d'autres pays. Ces mobilisations ont pris de l'importance 
et les résultats se font sentir. Ainsi, les médias ont cessé de 
qualifier la Lukov March de mobilisation «patriote» pour enfin utiliser 
le qualificatif de «fasciste».

Cette année, la démonstration d'extrême droite et son opposé 
antifasciste ont compté près de 300 à 400manifestants et manifestantes 
chacune. La présence de nationalistes grecs est particulièrement 
intrigante, car elle indique que leur conflit territorial avec les 
bulgares a été mis de côté le temps de la manifestation. Des camarades 
bulgares ont aussi émis l'hypothèse que ces conflits se soient faits 
plus discrets à la demande d'organisations néonazies allemandes comme 
Die Rechte[1]qui ont une grande influence dans cette manifestation.

Les fascistes européens en soutien à la marche

Autre élément perturbant, la date. Hristo Lukov étant mort un 13février, 
il était de coutume d'organiser la manifestation le premier samedi 
suivant l'anniversaire de son décès. Mais elle a été repoussée de deux 
semaines, probablement pour que les différents groupes internationaux se 
concentrent sur le «Jour de l'honneur» en Hongrie. Cet événement qui 
rend lui aussi hommage à des fascistes de la Seconde Guerre mondiale 
était particulièrement attendu étant donnée la récente agitation autour 
de procès anti-antifascistes, en particulier celui du militant Gino qui 
avait participé à sa contre-manifestation. La possibilité d'un 
renforcement de la coordination d'une internationale fasciste, peut-être 
pilotée par Die Rechte qui priorise les manifestations, est à prendre en 
compte.

Ce rassemblement met en exergue l'union des extrêmes droites à l'échelle 
internationale et la nécessité de lutter contre elles de manière plus 
globale. Du côté des antifascistes, la solidarité internationale a été 
moins visible en 2025 que les années précédentes, mais compensée par une 
présence plus importante de jeunes antifascistes bulgares.

Le mouvement libertaire bulgare est méconnu. Ses prémices sont anciennes 
et remontent aux années 1860. Après une longue présence dans le pays, 
ses membres furent contraints à l'exil ou emprisonnés en 1948, lorsque 
le gouvernement autoritaire et pro-soviétique durcissait sa politique 
répressive à leur égard. En 1990, le mouvement anarchiste renaît de 
façon légale en Bulgarie et s'inscrit alors dans un processus 
d'émancipation face au régime communiste en perdition.

Aujourd'hui, de nombreux collectifs ont pris la suite, notamment autour 
de lieux autogérés comme Fabrika Avtonomia et Kopriva à Sofia, ou encore 
d'associations à but humanitaire comme Khrana ne vojna («De la 
nourriture, pas la guerre»). Il existe également un important réseau de 
communication connu sous le nom d'Anarkhosaprotiva 
(«anarcho-résistance»). Enfin, d'autres groupes non-anarchistes, mais 
sympathisants du mouvement, rejoignent la lutte assez fréquemment, comme 
des collectifs féministes et de défense des droits LGBTI.

En Europe occidentale, certains émettent des réserves quant aux 
anarchistes de l'Est, parfois supposés trop droitiers. Mais cette 
mauvaise image ne reflète pas la réalité d'un mouvement qui, en 
Bulgarie, n'est ni plus ni moins progressiste que les libertaires 
occidentaux, mais fait face à des défis particuliers.

Redévelopper l'antifascisme en Bulgarie

L'une des problématiques spécifiques de la régénération de 
l'antifascisme et de l'anarchisme en Bulgarie aujourd'hui est de se 
vulgariser au plus grand nombre, mais aussi de se distancer clairement 
de l'antifascisme promu par le régime socialiste autoritaire du siècle 
dernier. De manière générale, les références au communisme y sont plutôt 
mal vues -même si Marx y est lu de manière critique. Ceci s'explique par 
la politique autoritaire du Parti communiste bulgare (PCB) au pouvoir 
pendant plus de quaranteans et qui a marqué leurs luttes.

Loin de s'enfermer dans des problématiques uniquement bulgares, les 
militants et militantes sont aussi très présentes sur les questions 
internationales. Nous retrouvons un fort engagement pour la Palestine, 
dont la plus grosse mobilisation a eu lieu lors de la Pride de Sofia en 
juin 2024. Le tiers arrière du cortège fut ainsi consacré à la 
protestation contre le génocide en cours à Gaza.

Du fait de sa situation géographique, la Bulgarie étant située à 
l'entrée est de l'Union européenne, les groupes anarchistes militent 
aussi activement sur les questions migratoires. Entre 100 000 et 150 000 
personnes sont retenues à la frontière turco-bulgare. Au moins 
93personnes sont mortes en tentant de traverser le pays entre 2021 et 
2023[2]. Les militantes et militants locaux se battent aussi pour le 
droit à l'asile en Bulgarie.

Peu connus de l'Europe occidentale, les mouvements de lutte bulgares 
méritent un soutien international important, seul à même de s'opposer au 
fascisme grandissant en Europe. Les fascistes s'organisent, à nous de 
faire de même.

Lo Rofaheu (sympathisant de l'UCL Marseille), Michail Sheytanov (Antifa 
Bulgaria), Sano (UCL Marseille)

Notes:
[1]Die Rechte (« La Droite »), parti allemand néonazi fondé en 2012 a 
été dissout peu après la marche, en mars 2025.
[2]« Almost 100 refugees died on their way through Bulgaria within the 
last two years », Bulgaria.bordermonitoring.eu, 2décembre 2023.

https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Bulgarie-Les-antifas-face-a-la-Lukov-March
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