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(fr) Courant Alternative #346 (OCL) - Quelques témoignages de Gilets jaunes
Date
Wed, 22 Jan 2025 17:32:09 +0000
Nous reproduisons ici les témoignages que des GJ nous ont adressés, en
réponse à notre appel (voir numéro 345), et nous les en remercions
chaleureusement. Les hommes et les femmes qui nous ont répondu habitent
majoritairement dans la même région, certains étaient des
primo-manifestants et d'autres des militants ayant déjà une expérience
de la lutte. Certains sont aujourd'hui des camarades, d'autres se
tiennent relativement à distance des luttes. D'ailleurs, nous ne pouvons
que faire le constat de la difficulté à récolter la parole des GJ
primo-manifestants, ce qui nous fait dire que la plupart de ces
personnes ont disparu des radars militants, probablement amers d'avoir
connu un mouvement d'une telle ampleur et d'avoir quand même perdu - du
moins sur les objectifs de changement du système. Il nous paraît
important que les acteurs de cette lutte puissent avoir la parole afin
que le mouvement tire des enseignements, pour, qui sait, aller plus loin
la prochaine fois...
- Pourquoi, quand et comment as-tu rejoint le mouvement?
Alexandre: Je ne me suis jamais retrouvé dans les organisations
politique classique que ce soit les partis politiques ou les syndicats;
quand j'ai vu les appels pour le 17 novembre qui était relayés et
semblaient suivis par beaucoup de citoyens j'ai été curieux et j'ai été
sur le péage de Mantes-la-Jolie le 17 novembre voir comment ça se
passait. C'était de la curiosité et un peu l'espoir d'avoir un
changement car j'observais les problèmes de la société mais je ne voyais
pas en quoi on pouvait changer les choses.
Sophie: J'ai rejoint le mouvement dès les premiers jours de
mobilisation, surprise et entraînée par cet élan de mobilisation de
masse, et subissant moi-même des conditions de travail précaires et
dégradantes. Parce que les promesses de l'arrivée au pouvoir de Macron
sonnaient comme un avenir encore plus difficile pour les plus fragiles.
Aïoli: Je me suis prise pour Louise Michel, j'ai eu une envie de
révolution populaire et là sous mes yeux se formait un mouvement qui
partait de la base, je ne pouvais pas passer sans m'y plonger jusqu'à
m'y noyer; et que c'était bon... Je l'ai rejoint tout d'abord sur le
péage de Buchelay en rentrant à la maison après ma journée de travail au
collège, puis on s'est donné RDV sur le rond-point de Limay, Épône et
nous avons fini à Buchelay.
Un anonyme: J'y suis allé au départ pour rejoindre des amies, je n'étais
pas au courant du mouvement. J'ai vu qu'il y avait beaucoup de
ras-le-bol avec cette République.
Katan: J'ai rejoint le mouvement en janvier. J'ai d'abord eu besoin de
connaître avant de m'en rapprocher. Venant d'abord du milieu associatif
écolo, j'étais à la fois fasciné par sa puissance spontanée et
déconcerté des sujets de préoccupations initiaux qui semblaient aller à
l'encontre de mes préoccupations écolos. C'est finalement après avoir
échangé avec des connaissances anarchistes que je me décide à participer
à mon premier acte avec eux. Le milieu militant me semblait alors dans
l'incapacité à faire bouger significativement la moindre ligne.
Anaïs:J'ai rejoint le mouvement car je me sentais concernée, j'étais
seule avec mon fils et je n'arrivais pas à joindre les deux bouts. Tout
me semblait déjà cher à l'époque et l'est d'autant plus aujourd'hui!
Camille: En 2018, à l'annonce de la taxe des carburants par le
gouvernement macroniste pour financer l'écologie, je me suis dit: «La
blague! Ils nous prennent vraiment pour des cons!» Très vite, un appel
était lancé sur les réseaux et commençaient pour moi 4 ans de lutte
citoyenne acharnée avec mon gilet jaune. Qui aurait cru que ce mouvement
spontané tiendrait aussi longtemps et ferait trembler le pouvoir?
- Quel était ton engagement dans celui-ci?
Alexandre: Au début j'ai beaucoup observé en venant régulièrement, en
apportant du ravitaillement et en faisant connaissance avec les
personnes présentes. C'est à partir du moment où le camp de Buchelay
s'est monté que j'ai commencé à vraiment participer en prenant parfois
la parole pendant les réunions. J'ai participé à quelques manifestations
mais plus par curiosité pour voir comment ça se passait car je n'ai
jamais cru que ça allait changer quelque chose de se réunir dans la rue
pour montrer notre mécontentement.
Sophie: Au début sur un rond-point, à échanger, comprendre et découvrir
le quotidien de chacune et chacun. Beaucoup de femmes étaient présentes
avec des parcours de vie difficiles, des emplois subis, des artisans,
des auto-entrepreneurs, des retraités et des salariés à faibles revenus.
Sur les barrages routiers, les échanges avec les automobilistes
amenaient, certaines et certains à nous rejoindre; c'est comme ça que le
mouvement a pris de l'ampleur.
Avec le froid et le mauvais temps, la construction de cabane avec tout
le fonctionnement collectif était le premier engagement. Ensuite est
arrivée une organisation plus large avec d'autres ronds-points, des noms
de groupes et d'autres formes d'actions plus ciblées pour essayer d'être
toujours plus visible et de faire fléchir le Gouvernement, en
élargissant les contacts avec les Gilets Jaunes d'autres villes, avec
l'organisation de manifestations régionales et nationales.
Aïoli: De faire évoluer les revendications car honnêtement rien n'allait
et c'est toujours le cas. Nous étions un nombre qui grandissait de plus
en plus sur les ronds-points et les manifs à Paris, c'était l'extase de
voir le mouvement se structurer, alors qu'il ne partait d'aucune orga
syndicale ni leader politique.
Un anonyme: Jusqu'à fin décembre, j'ai fait plusieurs OP[opérations]dans
la région (péage, blocage PL Renault, OP dans la grande distribution),
pour le moment c'était bon enfant. Arrivé 2019 j'ai décidé d'aller sur
Paris. Les flics étaient débordés ça partait souvent en manif sauvage.
J'ai vu la répression policière, mais la détermination des manifestants
à «aller chercher notre cher président», comme ils nous l'avaient dit.
Puis tous les samedis j'étais sur pas mal de manifs (Paris, Rouen, Evreux).
Anaïs: J'ai été très engagée, manif, réunions, actions, mise en place de
cohésion de groupe, etc.
Camille: Les manif GJ, ah c'était quelque chose! Après l'appel du 17, je
suis de toutes les manifs du samedi. De ma banlieue je prends le train
jusqu'à Saint Lazare et là je suis le mouv... En Manif GJ tu n'es jamais
seul. Les manifs n'étant pas déclarées ni organisées, je ne savais
jamais où j'allais me retrouver et avec qui. Je chopais les infos sur
les réseaux et échangeais avec mes camarades que je rencontrais sur ma
route pour connaître le lieu de rendez-vous. Je n'ai jamais autant
marché en discutant pour un monde plus juste. Je croisais des GJ dans
tout Paris. Prêt de l'hôtel de ville un touriste nous a même pris en photo.
Ria: J'allais en manifestation sur Paris, je participais à l'ouverture
des différents péages, l'ouverture des barrières des hôpitaux, les
manifestations en soutien aux grévistes (pompiers, infirmières,
cheminots...), distribution de flyers, blocage d'usine, regroupement
devant les prisons, réunion GJ Île-de-France, sur Paris, RIC...
- Qu'est-ce qui t'a plu ou à l'inverse déplu dans les GJ?
Alexandre: Ce qui m'a plus dans ce mouvement c'était sa spontanéité, il
n'y avait pas l'immobilisme et la bureaucratie que je voyais dans les
partis politiques ou syndicats qui prétendaient vouloir améliorer la vie
des Français mais qui pensaient plutôt à conserver leur situation favorable.
Sophie: Je pense à toute l'énergie et l'entièreté humaine à laquelle
j'ai gouté avec ce mouvement, aux nombreuses interactions humaines.
Malheureusement, 6 ans plus tard avec le recul, j'ai du mal à retrouver
cet esprit dans le milieu militant où j'ai essayé de m'investir.
Aïoli:Les débats, l'avancée politique et les stratégies que nous menions
ensemble pour visibiliser nos revendications, la force que nous avions
ensemble, le fameux bloc jaune...
Un anonyme: Le souvenir que j'ai au début c'était l'entraide, la
solidarité, l'écoute. Ensuite ce qui m'a déçu c'est qu'il y a eu conflit
en interne (guerre des égos, grosse médiatisation, des leaders alors
qu'à la base c'était un mouvement sans leader...).
Anaïs: Les choses qui m'ont plu, c'est la force que pouvait avoir ce
mouvement, mais ce qui m'a fortement déplu ce sont les réactions des
forces de l'ordre, mais aussi des syndicats et de certains comportement
de gilets jaunes.
Camille: C'était ouvert à tous et toutes, mais nous ne voulions pas
d'étiquette politique ni syndicale, pas de leader, nous ne voulions pas
être utilisés. La collectivité s'organisait autour de la solidarité et
de l'entraide. Les grandes décisions étaient prises en commun. Dans ce
groupe hétéroclite où se côtoyaient gens de quartiers, des campagnes,
intellectuels, des militants de longue date, des vieux, des jeunes, des
salariés, des syndicalistes, des sans travail, des gens dans le besoin,
s'organisait la lutte autour de la justice sociale, fiscale, peu après
écologique. Nous apprenions des uns des autres, une véritable éducation
populaire s'instaurait. Ça débâtait dur au camp! il y avait de l'espoir!
Quant au syndicat, il se pensait plus légitime que nous de porter la
révolte du peuple. Le service d'ordre de la CGT a gazé et matraqué des
camarades. Comment lutter avec des syndicats qui utilisent les mêmes
méthodes que la milice d'État? La convergence n'était pas possible. Je
dois rester juste, tous les syndicats n'avaient pas la même attitude. Je
remercie Solidaires et la FSU qui nous ont aidés et soutenus.
Ria: Tous ces moments passés à s'organiser, militer, revendiquer,
réfléchir aux différents modes opératoires pour bousculer ce
gouvernement m'ont donné le sentiment que tout était possible, que la
société pouvait changer et j'y ai mis toute mon énergie.
- Quelles étaient selon toi les forces et les faiblesses du mouvement?
Alexandre: La force du mouvement était son nombre et son ouverture à
tout le monde. La plus grande faiblesse a été son incapacité à désigner
des représentants / responsables / chefs. On était tous légitimes à agir
mais comme tout le monde pouvait le faire souvent personne n'agissait. À
chaque fois que j'abordais le sujet d'élire un responsable local pour
représenter le camp, on rejetait en bloc cette idée car les trahisons
successives des élus ont profondément traumatisé les gens et ils
refusaient d'avoir un représentant de peur de se faire trahir. J'ai
toujours trouvé ça dommage qu'on ne puisse pas appliquer à nous-même ce
qu'on demandait comme changement politique, à l'époque le RIC était un
sujet très présent. Sans cohérence d'action et d'organisation nous
étions très limités et avons fini par tourner en rond.
Sophie: Les forces: le collectif, la spontanéité, l'auto-organisation
étaient très présentes ainsi que l'entraide qui aujourd'hui, fonctionne
toujours quand l'un de nous fait signe.
Les faiblesses: l'arrivée d'organisations politiques et syndicales qui
nous jugeaient et qui de leur côté n'ont pas trouvé bon de s'impliquer à
leur niveau et avec leurs propres modes d'actions.
Katan: Il me semble que plusieurs éléments ont rendu difficile le
prolongement du mouvement et ce qui le rendait si unique: spontanéité,
puissance et irrécupérabilité. La jonction avec d'autres milieux
militants existant n'a pas pu aboutir.
Sur les ronds-points locaux, il a également fallu jouer de plus en plus
avec les égos de chacun. La spontanéité et la chaleur des débuts
laissait de plus en plus place à des tensions entre petits groupes.
Camille: Face à la violence d'état les GJ s'organisent et s'entraident.
Les médics apparaissent pour soigner, la légalteam pour nous défendre
face à la justice d'État. Un des nôtres est à terre blessés on le
protège de nos corps mains levés en criant «Médic! Blessé!», quand un
des nôtres est frappé ou embarqué par les flics on s'interpose on hurle,
on insulte, on filme. On s'informe sur nos droits en GAV. On se protège:
masque de plongée, masque, dacryo-sérum, respirer par la bouche pour le
gaz, du sucre de l'eau, portable prépayé et numéro de l'avocat désigné
par la légalteam écrit sur le bras, ne pas courir en manif, vêtements
sombres pour qu'on ne puisse pas nous identifier...
Le mouvement s'est peu à peu essoufflé. Les GJ ont fait trembler le
pouvoir, la bourgeoisie a eu peur des fourches des «gueux». Elle a mis
les moyens financiers, organisationnels et répressifs avec la complicité
des médias mainstream et de la justice pour museler les oppositions,
garder leurs avantages, continuer à s'enrichir sur le dos du peuple mais
surtout nous diviser.
Je me souviens d'une manif ou nous étions placés devant. Les flics ont
chargé et nous ont gazé on s'est retourné il y avait plus de syndicats
il avait disparu nous laissant nous faire matraquer.
Porte étendard: La force du mouvement: pas de leader, réactivité,
solidarité, spontanéité. Les faiblesses: une profonde méconnaissance des
mécanismes du système, où la victime choisit et nourrit son propre bourreau.
- Quels sont tes souvenirs les plus marquants de cette période?
Alexandre: Le traitement médiatique complètement déconnecté de la
réalité du terrain, c'était déjà le cas à l'époque et quand on voit
comment les médias abordent les sujets actuellement c'est encore pire.
Sophie: Les cabanes, les AG très animées , les manifs dans les grandes
villes, le blocage de l'autoroute, les ADA «les Assemblées des
Assemblées GJ» où certaines et certains se sont rendus à tour de rôle.
Sur toute ces périodes, énormément d'interaction humaine.
Aïoli: Le jour où Christophe Dettinger a enchaîné des droites et des
gauches aux CRS, quel plaisir d'assister à une partie de cette scène;
malgré les gazs lâchés à mort je me souviens avec précision de ce début
de moment, historique.
Le jour où lors d'une manif sur Mantes-la-Jolie ma petite maman qui
voulait nous rejoindre a été obligée de lever le ton face à un CRS qui
ne voulait pas la laisser entrer dans le rassemblement, elle qui a
tellement peur de la police. C'était géant, car elle est géante.
Katan: Certaines anecdotes m'ont été racontées: groupe de jeunes
attirant l'attention des flics dans le métro pour éviter qu'un autre
groupe de personnes âgées se fasse contrôler et ne puisse rentrer chez
eux...
Camille: Mon premier contact est un bol de soupe bien chaude faite
maison que m'offre une camarade GJ, «mamie soupe», près du feu. Je ne
connaissais personne mais j'avais ma place.
Une prise de conscience douloureuse pour ma part quant à la Constitution
de 1958 avec sa devise «Liberté égalité et fraternité» et son principe
«gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple», qui s'avère une
vaste fumisterie. Je me souviens d'une manif où nous étions placés
devant. Les flics ont chargé et nous ont gazés, on s'est retournés il
n'y avait plus de syndicats. Ils avaient disparu, nous laissant nous
faire matraquer.
Ria: Une prise de conscience violente à laquelle je n'avais jamais fait
face avant ce mouvement: je ne soupçonnais pas la discipline et le
manque d'analyse que pouvait avoir la police. Je n'avais pas conscience
que l'obéissance aveugle et le manque de discernement régnait dans leurs
rangs.
Porte étendard: Aucune pitié pour les femmes âgées, les seniors, qui ont
tout enduré sous ce climat de guerre. J'ouvre les yeux: je vois des
tapis de corps au sol inanimés suite au gazage. Cette image de guerre le
restera gravée à jamais.
- Si c'était à refaire, tu ferais quoi pareil ou différemment?
Alexandre: Je pense que j'insisterais plus sur le besoin de se
structurer pour gagner en efficacité mais les défauts des gilets jaunes
font partie intégrante du mouvement et c'est en faisant des erreurs
qu'on apprend, c'est pour ça qu'il est facile de critiquer avec du recul
mais que les erreurs commises ont fait partie de la construction du
mouvement.
Sophie: Je pense pareil[qu'avant le mouvement]. On a essayé d'être
visibles, toujours en action et entendus sur plusieurs mois pour essayer
de changer les choses. Je serais plus vigilante face aux personnes qui
infiltrent le mouvement pour l'influencer à des fins opportunistes.
Aïoli: Plus déterminée. J'ai parfois été effrayée par toute la
répression que l'État déployait pour nous faire taire. Comme dans tous
les mouvements de protestations populaires il est de coutume de lâcher
les chiens de garde et peu importe les dégâts, ce sont sans doute les
fameuses victimes collatérales, ces arrestations arbitraires, ces mains
arrachées, ces yeux éborgnés, ces traumatismes dus au nassage,
voltigeurs, violences verbales et physiques des policiers, gendarmes,
CRS... Mais il est vrai que je pensais à mes enfants et de me dire qu'un
jour si je ne suis pas prudente, je risque de ne pas rentrer en train le
soir même. La lutte c'est mieux lorsqu'on n'a pas d'attache...
Un anonyme: Si je devais refaire déjà ça serait des manifs non
déclarées, en mode action coup de poing comme dans certains pays. Faire
tomber le gouvernement, demander la 6ème République et le Frexit.
Camille: Les GJ ont marqué l'histoire, mais nous n'avons pu / su nous
rallier sur une valeur fondamentale, l'internationalisme, et pour cela
il aurait fallu aborder l'idéologie du colonialisme, pétainiste, qui
dégage des relents d'un suprématisme blanc qui ressurgit bien vivant
aujourd'hui.
- Quelles traces penses-tu que le mouvement a laissées, chez toi, en
France, et pour ceux qui se battent pour changer cette société?
Alexandre: Je ne me sens pas légitime pour parler de l'impact que le
mouvement a eu sur la France, pour moi et ceux qui se battent pour
changer la société, je pense que ça a redonné un peu d'espoir en
montrant qu'ils n'étaient pas seuls à vouloir que les choses changent.
Ça n'a pas eu l'impact qu'on espérait dans le sens où ça n'a pas abouti
sur des réformes structurelles qui permettraient un plus grand
investissement citoyen dans la démocratie, mais ça a permis de faire se
rencontrer des personnes qui ne se seraient pas rencontrées sans cela.
Sophie: Chez moi une grande nostalgie, je me dis que ce mouvement de
grande ampleur et de grande générosité, notamment sur les ronds-points,
avec des dons impressionnants de nourriture, était très soutenu par
l'ensemble de la population. Il y a eu un moment d'espoir, l'idée que si
nous étions soudés et déterminés, nous pouvions nous faire entendre. Ce
mouvement par ses méthodes d'actions a créé une nouvelle façon de lutte
en France. La répression, le traitement médiatique ont fini par faire
arrêter ce mouvement. L'épuisement a eu raison des motivés. Ce qui me
fait le plus mal aujourd'hui, c'est de constater que les chiffres de la
pauvreté sont malheureusement en augmentation.
Aïoli: De la haine... On n'a pas été jusqu'au bout, un gout de ne pas
avoir fini le travail, on n'a pas su fédérer et pourtant on a fait du
pied à tout le monde mais on devait sentir l'ail...
Un anonyme: J'ai ouvert les yeux sur les merdes qu'on est, sur la bouffe
qu'on nous vend dans les centres commerciaux, les pourritures de nos
gouvernements politiques etc. Le mouvement était spontané en électron libre.
Katan: Cela m'a fait changer mes réflexions quant à où et comment mettre
mon énergie. Moins prendre en considération les aspirations théoriques
idéalistes mais plutôt rejoindre l'énergie là où elle est présente et
participer à décupler son potentiel de changement radical. Ce changement
d'approche n'a clairement pas été partagé par un nombre non-négligeable
de mes connaissances écolos, contribuant à élargir encore plus le fossé
avec eux.
Aujourd'hui le mouvement n'existe plus en tant que tel mais a bien sur
laissé de nombreuses traces, notamment dans l'imaginaire collectif.
Localement plusieurs petits groupes ont tenté diverses choses. On peut
nommer la distribution gratuite à plusieurs dizaines de familles de
légumes invendables d'un maraîcher bio. Certains se sont éloignés pour
trouver des endroits plus accessibles à la campagne pour recommencer une
vie plus proche de leurs aspirations. D'autres ont repris un ancien
corps de ferme pour le gérer sous forme associative.
Camille: J'aime à croire que la flamme de la révolte n'est pas éteinte
et qu'elle peut à nouveau se raviver, autrement pour une société plus
juste, un monde en paix ou nous pourrions vivre dignement de notre peine
quelles que soient nos origines et nos croyances. Mais la période est
sombre.
Les GJ m'ont apporté de véritables liens d'amitié, une solidarité,
l'importance du collectif, une richesse intellectuelle, une
détermination et du psoriasis et de l'eczéma dont je n'arrive pas à me
débarrasser. Mais surtout j'ai ouvert les yeux, ensemble on peut y
arriver à renverser ce système, il suffit d'une étincelle: «On lâche rien!».
Propos recueillis par des camarades de l'OCL
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4345
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