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(fr) Courant Alternative #344 (OCL) - Présentation de La Commune du Maquis
Date
Tue, 19 Nov 2024 18:28:56 +0000
Du 10 au 15 aout dernier se sont tenues dans le sud de l'Hérault les
huitièmes Rencontres du Maquis pour l'Emancipation. ---- La Commune du
Maquis est une petite fédération locale dont l'esprit n'est pas sans
relation avec bien des idées énoncées entre autres par Pierre
Kropotkine. Elle est établie sur le domaine de Bois-Bas, hameau du petit
village de Minerve, sis en pleine campagne à 12 kilomètres du coeur de
village. Situé entre les contreforts de la montagne Noire et la rivière
Cesse qui le borde, le domaine s'étend sur près de 270 hectares, à
quelque 45 kilomètres de Narbonne, 60 de Béziers ainsi que de
Carcassonne et Mazamet. Deux grands corps de bâtiments et un terrain de
camping aménagé sont les bases d'un confortable dispositif d'accueil.
---- Bien commun d'un groupement de plus de 80 personnes physiques et
morales, ce lieu a été acquis pour devenir un territoire
d'expérimentation de rapports sociaux non autoritaires, dans
l'auto-organisation collective. De tels usages constituent une mise en
pratique du dépassement de la propriété privée et un cheminement de
liberté vers la réalisation du gouvernement de soi par soi-même, avec
les autres, vanté en son temps par Fernand Pelloutier*.
En 2017 était créée, après une année de réflexion, de propositions et
d'échanges en de multiples réunions, La Commune du Maquis. S'étant dotée
d'une charte, elle était destinée à remplacer le collectif Scop
Cravirola, qui, s'étant usé à tenir le lieu depuis 2007, se trouvait si
réduit que devant la crainte d'un effondrement total il avait lancé un
appel à repeupler le lieu.
Parmi les collectifs fédérés dans la toute jeune Commune du Maquis,
l'association Etais d'Emancipation projetait l'établissement d'un centre
documentaire anarchiste en milieu paysan, dont l'espace restait à
construire. Comme les démarches administratives pour l'obtention du
permis de construire du local et la recherche de l'argent nécessaire à
son édification ne s'annonçaient pas d'une fulgurante rapidité, furent
mises sur pied les Rencontres du Maquis pour l'Emancipation, comme
première manifestation de la Fontaine encyclopédique du Maquis (FEM),
dans l'attente de son installation.
Si ces premières Rencontres dont il est ici question datent de 2017,
c'est le 10 juillet de l'année précédente qu'eut lieu un premier essai.
Claude Guillon avait accepté de venir animer ce jour-là en ce lieu une
causerie-débat autour des luttes populaires menées contre la bourgeoisie
pendant la Révolution dite française, notamment en 1793 avec Les
Enragés, et de leurs toujours actuelles résonances. La résonance sur la
cinquantaine de personnes présentes fut telle qu'il en sortit un projet
d'amplification de ce type d'événement. L'édition 2017 s'étala sur trois
journées, puis passa à cinq dès 2018. L'assistance a progressé d'une
cinquantaine journalière de personnes, au début, à deux cents ces deux
ou trois dernières années, avec des pointes dépassant les deux cent
cinquante.
Ces rencontres sont le théâtre d'un foisonnement d'activités d'ordre
culturel, destinées à contribuer à la consolidation du mouvement social
qui oeuvre au renversement du Vieux Monde avec ses principes de
servitude, d'oppression et d'exploitation. Y ont cours des présentations
de livres, des conférences et débats, des expositions, des concerts, du
cinéma et des spectacles vivants. Tournées vers un public aussi bien
local qu'extrarégional, et même international, elles préfigurent la
fonction de base permanente pour laquelle a été conçu le centre
documentaire FEM: constituer un lieu de fructueuses rencontres, un foyer
d'échanges radiant, d'études et d'actions anarchistes. De par sa nature,
le lieu est apte à l'organisation de multiples rencontres sur les thèmes
les plus divers, susceptibles d'aider à l'ouverture de perspectives
permettant d'avancer vers une société de liberté, d'égalité et de
fraternité bien réelles, inscrites dans les faits du quotidien et non
plus, comme aujourd'hui encore, au fronton des prisons. Autant de
moments particulièrement propices à des rencontres entre citadins des
grandes métropoles, semi-ruraux et paysans. Des mondes dont il est
indispensable de raccourcir la distance qui les tient séparés. Sans
profonde connivence entre ces univers, il est à craindre que tout projet
de correction de la trajectoire liberticide, et même suicidaire, où est
engagée l'humanité ne soit vain.
Parce qu'il ne se circonscrit pas à la seule rencontre d'auteurs,
d'autrices et d'artistes avec un public, l'événement mérite pleinement
son intitulé. Si le programme est d'une belle densité, les repas et
l'étalement horaire des séances fournissent de nombreuses opportunités
de rencontres inopinées, qui souvent perdurent au-delà de l'épisode
estival et lentement, mais surement, tissent une société au mouvement
émancipateur. Si Histoire et mémoire sont généralement très présentes
dans le programme, ce n'est surtout pas pour faire musée, mais parce que
l'une et l'autre accompagnent, en tant qu'elles en sont partie
intégrante, un mouvement social toujours vivant, même lorsque dans les
moments les plus sombres de la guerre sociale il semble moribond. S'il
en fallait une preuve, le mouvement des gilets jaunes l'a récemment
fournie, en reprenant le cours de la Révolution française là où la
contre-révolution jacobine et bourgeoise l'avait arrêtée. Les Enragés
non plus ne voulaient ni chefs ni représentants quand ils surent imposer
le prix maximum des denrées de première nécessité par action directe.
Source des Rencontres du Maquis pour l'Emancipation, la FEM rappelle au
moment de sa création que «c'est dans le reflux du mouvement de Mai 68
qu'à quelques-uns nous avions commencé à rêver à l'établissement de
bases où se replier pour se ressourcer et maintenir vives quelques
braises de ce qui venait de se passer, qui seraient des outils de
conservation de la mémoire populaire, du maintien, de l'entretien et du
développement de la culture anarchiste».
La Fontaine encyclopédique du Maquis
Note
* Fernand Pelloutier (1867-1901). Devenu secrétaire de la Fédération des
bourses du travail en 1895, c'est sous son impulsion que prend corps le
syndicalisme révolutionnaire et qu'émerge le concept de grève générale
révolutionnaire, ou «grève universelle». Pour Pelloutier, le rôle
primordial des bourses du travail était de permettre au travailleur
d'acquérir «la science de son malheur; c'est de connaître les causes de
sa servitude; c'est de pouvoir discerner contre quoi doivent être
dirigés ses coups».
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4292
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