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(fr) Courant Alternative #344 (OCL) - Abbé Pierre: Et pourtant ils savaient

Date Mon, 18 Nov 2024 17:46:00 +0000


Un premier témoignage de juillet 2023 fait état d'une agression sexuelle sur une femme de la part du «saint» abbé Pierre, décédé en 2007. Puis une cascade d'autres dévoilent des faits similaires entre 1970 à 2005, dont un concerne une mineure... ---- A l'ombre de l'icône... ---- Longtemps, l'abbé Pierre est élu «Personnalité Préférée» des Français, devant le chanteur Jean-Jacques Goldman. Son appel à «l'insurrection de la bonté», lancé sur les ondes de Radio-Luxembourg lors du rude hiver 1954, suscite un puissant mouvement de solidarité pour venir en aide aux sans-logis. Depuis, l'abbé a cofondé les communautés d'Emmaüs. L'auréolé est resté dans l'esprit et le coeur des Français, mais avait très tôt intéressé les politiciens. ---- Une fois la sidération des révélations passée, la réalité revient au galop. Des accusations de violences sexuelles étaient portées contre l'abbé dès 1953 aux USA, puis au Canada en 1959. Il est alors mis à l'écart quelque temps dans une clinique en Suisse. «... l'église avait besoin de l'abbé Pierre, qui redorait son blason, sa popularité, et elle ne pouvait se permettre qu'un tel scandale éclate» (France Bleu, 09/2023).

L'Eglise est empêtrée depuis des décennies dans les scandales de pédophilie des prêtres qu'elle a cachés et dont le dernier concerne l'Eglise de Belgique. L'institution ainsi que d'anciens cadres d'Emmaüs également au courant ont donc couvert les agissements de l'abbé Pierre. Mais cette fois-ci tous prennent les devants: ouverture des dossiers, effacement de tout rappel et souvenir le concernant, indemnisations promises, etc. Empathie chrétienne envers les victimes ou simple colmatage pour limiter encore cette fois les ravages du scandale, les fuites, les désertions des ouailles et brebis?

Emmaüs ou l'idée d'une charité chrétienne

«Ces révélations bouleversent nos structures au sein desquelles la figure de l'abbé Pierre occupe une place majeure», a réagi le représentant du mouvement Emmaüs France dans un communiqué. Comme bien d'autres entreprises capitalistes, il faut faire oublier, se débarrasser de l'image négative pour perdurer (1). Comme l'Eglise, Emmaüs s'adapte. Le déni n'est plus de mise tant le scandale du protégé est grand. Tout ce qui a trait au personnage doit être effacé. Suite aux 17 nouvelles accusations, la Fondation Abbé-Pierre ferme son centre mémoriel en Seine-Maritime, Emmaüs débaptise et ôte les portraits de l'abbé des communautés, tandis qu'Emmaüs International réfléchit aux formes d'indemnisation des victimes.

Mais l'icône ecclésiastique était aussi utile à la bourgeoisie. Elle servait ses intérêts. Elle a su récupérer ce qui était sincère dans «l'appel» de l'abbé Pierre à ses débuts. Idéal paravent idéologique pour masquer derrière l'image de la charité, la perpétuation d'une exploitation de la misère que ses politiques économiques et sociales produisaient.

Emmaüs International est présent dans plus d'une trentaine de pays. En France avec plus de 120 communautés, ce sont 30 000 personnes qui prolongent le «combat solidaire», selon Emmaus-France.org. Y trouvent refuge des compagnons, des compagnes, salarié-es ou bénévoles en insertion, mais aussi des sans-papiers en quête de cartes de séjour, qui représentent plus de 70% des personnes accueillies. Depuis 2010, les communautés peuvent être agréées OACAS («organismes d'accueil communautaires d'activités sociales»), mais sans obligation d'affiliation. Depuis 2018, la loi asile et immigration acte que des sans-papiers peuvent obtenir un titre de séjour s'ils parviennent à justifier de trois années d'activité au sein d'un OACAS. Bon nombre ne verront sans doute pas le sésame tant attendu.

Officiellement, Emmaüs n'a pas de salarié-es mais des «travailleurs solidaires», qui en échange de leur «participation» perçoivent un revenu de 350 euros mensuel, et un hébergement décent. Un statut spécial leur est concocté, en 2008, par l'ancien président d'Emmaüs, Martin Hirsch. Le même qui, devenu ministre de F. Fillon sous la présidence de N. Sarkozy, sévira ensuite dans la mise à sac de l'APHP (Assistance publique/Hôpitaux de Paris) (2). Ce statut prive les bénévoles d'un quelconque recours aux prud'hommes en cas de litige avec la ou le responsable d'une communauté, faute d'un contrat de travail. Avec ce texte, M. Hirsch et le gouvernement ont tout simplement légalisé et fait de ces lieux clos des zones de non-droit. Et, de fait, ces travailleurs-euses se retrouvent hors de la réglementation qui couvre l'ensemble des salarié-es. Les bénévoles sont entièrement dépendants de l'association, voire de l'appréciation du ou de la responsable du lieu. Une main-d'oeuvre docile et corvéable à merci.

C'est dans ces zones de non-droit qu'éclateront des luttes sociales, dénonçant les conditions de vie et de travail. Un des salariés en grève déclare: «On ne coute pas cher mais on peut rapporter gros.» Ainsi en juin 2023, lors de la lutte à la communauté de la Halte Saint-Jean, à Saint-André-lez-Lille (3) suivie par d'autres dans le Nord, le journal en ligne Street Press révélait les conditions auxquelles étaient soumis ces «salariés solidaires». «On travaillait 40 heures par semaine pour 150 ou 300 euros par mois... Pas le droit de manquer pour maladie ou blessure... Les musulmans n'ont pas eu un jour pour fêter l'Aïd...» Ce centre avait d'ailleurs, suite au mouvement de grève de la faim, subi une enquête préliminaire pour travail dissimulé et pour traite d'êtres humains. En 2022, la responsable de la Halte Saint Jean se targuait d'avoir battu le record de productivité, et donc engrangé plus de 30 000 euros. Est-ce un cas particulier ou ces conditions de vie et de travail sont-elles le lot de nombreuses communautés Emmaüs? En 2022, c'était le journal en ligne Reporterre qui révélait déjà l'arbitraire exercé pour les hébergements. Il soulignait les conditions d'expulsion en plein hiver de compagnons malades ou blessés, donc devenus improductifs et sans recours contre leurs managers.

Business is business

On est loin de «l'insurrection de la bonté» prônée par le curé d'alors, mais qui déjà palliait les manquements de l'Etat. L'abbé n'était donc plus qu'une image vide, un logo pour Emmaüs comme pour n'importe quelle entreprise capitaliste. Le mythe du personnage permettait l'oppression idéologique, et la mystification des populations enclines aux croyances et qui avaient retenu l'appel à la générosité de 1954. Sans doute y voyaient-elles l'entraide, et un bout de justice sur Terre. La charité catholique masquait alors l'ignoble réalité capitaliste. Elle permettait avec hypocrisie l'exploitation dissimulée de ces damnés de la Terre. Ainsi brillait l'auréole bienfaitrice. Pour le bonheur des gouvernements bourgeois, ce modèle caritatif prenait en charge les relégués qu'il avait produits. La charité se substituait à la solidarité de classe.

S'agit-il de cas individuels, de dérapages isolés de gestionnaires, ou peut-on y voir le rôle néfaste de l'Etat via ses institutions dans la dissimulation et la reproduction de ces violences? Ne sommes-nous pas au contraire devant une continuité morbide, persistante d'un quotidien longtemps tu ou minoré? Si l'emprise de l'un et l'exploitation de l'autre ont pu exister, c'est aussi parce que les institutions capitalistes à différents niveaux, avec leurs relais, reproduisent et légitiment de telles situations. Une soumission et une exploitation nécessaires des individus et des populations pour asseoir la domination et perpétuer la reproduction du Capital.

Decaen, 15/09/2024

Notes
1. Souvenons-nous, après les scandales, de Thomson TSF devenu Thalès, France Télécom Orange, Aréva Orano. Et, dernièrement, du groupe ORPEA devenu EMEIS pour effacer les scandales dans les EHPAD, etc.
2. Réorganisation du temps de travail: les salariés perdent 2 à 5 jours de RTT. Suppression de lits et services:10 à 20 %. Endettement: 2,1 milliards en 2014, 3,1 milliards en 2021, etc.
3. Lire aussi CA n° 234 (avril 2024): «Révolte et grève des sans-papiers dans les communautés Emmaüs du Nord.

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4286
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