|
A - I n f o s
|
|
a multi-lingual news service by, for, and about anarchists
**
News in all languages
Last 40 posts (Homepage)
Last two
weeks' posts
Our
archives of old posts
The last 100 posts, according
to language
Greek_
中文 Chinese_
Castellano_
Catalan_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
_The.Supplement
The First Few Lines of The Last 10 posts in:
Castellano_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
First few lines of all posts of last 24 hours |
of past 30 days |
of 2002 |
of 2003 |
of 2004 |
of 2005 |
of 2006 |
of 2007 |
of 2008 |
of 2009 |
of 2010 |
of 2011 |
of 2012 |
of 2013 |
of 2014 |
of 2015 |
of 2016 |
of 2017 |
of 2018 |
of 2019 |
of 2020 |
of 2021 |
of 2022 |
of 2023 |
of 2024
Syndication Of A-Infos - including
RDF - How to Syndicate A-Infos
Subscribe to the a-infos newsgroups
(fr) Socialisme Libertaire - POUR L'ANARCHISME - QUE VEULENT LES ANARCHISTES?
Date
Thu, 29 Aug 2024 19:48:50 +0100
«C'est difficile de dire ce que veulent les anarchistes, non seulement
parce qu'ils sont si différents les uns des autres, mais parce qu'ils
hésitent à faire des propositions détaillées pour un avenir dont ils ne
peuvent ni ne veulent décider. Au fond, ils veulent une société sans
gouvernement, et celle-ci variera évidemment d'une époque à l'autre et
d'un lieu à l'autre. Le trait essentiel de la société que veulent les
anarchistes est qu'elle sera ce que ses membres eux-mêmes voudront en
faire. Néanmoins, il est possible de dire ce que la plupart voudraient
voir dans une société libre, tout en rappelant qu'il n'y a pas de ligne
officielle, et pas non plus de moyen de réconcilier les extrêmes:
l'individualisme et le communisme. ---- L'individu libre ---- La plupart
des anarchistes adoptent d'abord une attitude libertaire envers la vie
privée, et voudraient qu'il y ait un choix beaucoup plus vaste de
comportements personnels et de relations sociales. Mais si l'individu
est l'atome de la société, la famille en est la molécule, et la vie de
famille subsistera même si la coercition qui la renforce disparaît.
Néanmoins, bien que la famille puisse être une chose naturelle, elle
n'est plus nécessaire; une contraception efficace et une intelligente
division du travail ont dégagé l'humanité de l'alternative entre le
célibat et la monogamie. Un couple n'est plus obligé d'avoir des
enfants, et les enfants peuvent être élevés par plus ou moins de
personnes que deux parents. On peut vivre seul et cependant avoir des
partenaires sexuels, ou vivre en communauté sans partenaires permanents
ni parenté officielle.
Sans aucun doute, on continuera à pratiquer certaines formes de mariage,
et la plupart des enfants seront élevés dans un cadre familial, quoi
qu'il arrive à la société; mais il pourra y avoir une grande variété
d'arrangements personnels à l'intérieur d'une seule communauté.
L'exigence fondamentale est que les femmes soient libérées de
l'oppression masculine et que les enfants soient libérés de l'oppression
des parents. L'exercice de l'autorité ne vaut pas mieux dans le
microcosme familial que dans le macrocosme social.
Les relations personnelles hors de la famille ne seront pas réglementées
par des lois arbitraires ou par la compétition économique, mais par la
solidarité naturelle de l'espèce humaine. Chacun d'entre nous, ou
presque, sait comment traiter autrui - comme il voudrait qu'autrui le
traite -, et le respect de soi-même et l'opinion publique sont de bien
meilleurs guides de l'action que la crainte ou la culpabilité. Des
adversaires de l'anarchisme ont prétendu que l'oppression morale de la
société serait pire que l'oppression physique de l'État, mais il y a un
danger bien plus grand: dans un système étatique, l'autorité déchaînée
des groupes de vigiles, des hordes de lyncheurs, de la bande de pillards
ou du gang criminel émerge comme une forme rudimentaire d'État lorsque
l'autorité réglementée de l'État réel fait défaut pour une raison ou une
autre.
Mais les anarchistes sont en général d'accord sur la vie privée, ce
n'est pas un grave problème. Après tout, bien des gens se sont déjà
organisés à leur manière sans attendre ni révolution ni quoi que ce
soit. Tout ce qui est nécessaire pour la libération de l'individu, c'est
son émancipation des vieux préjugés et l'obtention d'lm certain niveau
de vie. Le vrai problème, c'est la libération de la société.
La société libre
L'exigence prioritaire pour une société libre est l'abolition de
l'autorité et l'expropriation. Au lieu d'un gouvernement formé de
représentants permanents élus occasionnellement et de bureaucrates de
carrière pratiquement inamovibles, les anarchistes veulent une
coordination par des délégués temporaires, immédiatement révocables, et
par des experts professionnels véritablement responsables. Dans un tel
système, toutes les activités sociales qui impliquent une organisation
seraient probablement administrées par des associations libres. On peut
les appeler conseils, coopératives, collectivités, communes, comités,
syndicats ou soviets, ou n'importe comment - leur titre n'a pas
d'importance, seule compte leur fonction.
Il y aura des associations de travail allant de l'atelier ou de la
petite entreprise aux plus grands complexes industriels ou agricoles,
qui s'occuperont de la production et du transport des biens, décideront
des conditions de travail, et feront marcher l'économie. Il y aura des
associations régionales allant du voisinage ou du village aux plus
grandes unités de résidence, qui s'occuperont de la vie de la communauté
- logement, rues, voirie, confort. Il y aura des associations qui
s'occuperont des aspects sociaux des activités comme les communications,
la culture, les loisirs, la recherche scientifique, la santé et l'éducation.
La coordination par des libres associations plutôt que l'administration
par des hiérarchies constituées aura pour résultat une décentralisation
extrême selon des principes fédéralistes. Cela peut sembler un argument
contre l'anarchisme, mais nous affirmons que c'est un argument en sa
faveur. Une des bizarreries de la pensée politique moderne, c'est de
prétendre que les guerres sont dues à l'existence de petites nations,
alors que les pires guerres de l'histoire ont été causées par un petit
nombre de grands pays. De même, les gouvernements essaient de créer des
unités administratives de plus en plus grandes, alors que l'observation
montre que les plus petites sont les meilleures. La chute des grands
systèmes politiques sera un des grands bienfaits de l'anarchisme, et les
pays pourront redevenir des entités culturelles, tandis que les nations
disparaîtront.
L'association chargée de toute sorte de richesses ou de biens aura la
grave responsabilité soit de s'assurer qu'ils soient honnêtement
répartis entre les gens concernés, soit de les garder en propriétés
commune et de s'assurer que leur usage soit honnêtement réparti entre
les gens concernés. Les solutions anarchistes varient, et celles des
membres d'une société libre varieront sans doute aussi; ce sera aux
membres de chaque association d'adopter la méthode qu'ils préféreront.
Il pourra y avoir une rémunération égale pour tous, ou proportionnelle
aux besoins, ou pas de rémunération du tout. Certaines associations
utiliseront l'argent pour leurs échanges, d'autres pour des transactions
importantes ou complexes, d'autres n'en utiliseront pas du tout. Les
biens seront achetés ou loués, rationnés ou libres. Si des spéculations
de cette sorte semblent absurdes, irréalistes ou utopiques, que l'on
pense simplement à tout ce que nous possédons déjà en commun et à tout
ce qui peut être utilisé sans payer.
En Angleterre, par exemple, la communauté possède quelques industries
lourdes, les transports par air et par rail, les bacs et les autobus la
radio, l'eau, le gaz et l'électricité, mais nous devons payer pour
utiliser tout ça; en revanche, les rues, les ponts, les rivières, les
plages, les parcs, les bibliothèques, les terrains de jeux, les
toilettes publiques, les écoles, les universités, les hôpitaux et le
service du feu ne sont pas seulement propriété commune, ce sont aussi
des services gratuits.
La distinction entre la propriété privée et propriété commune, et entre
ce qu'on peut utiliser contre paiement et ce qui est gratuit, est tout
arbitraire. Il peut paraitre naturel de pouvoir utiliser les routes et
les plages sans rien payer, mais ce n'a pas toujours été le cas, et la
gratuité des hôpitaux et des universités n'existe en Angleterre que
depuis le début du siècle. De même, il peut sembler naturel de payer
pour les transports et pour l'essence, mais ce ne sera pas
nécessairement toujours le cas, et il n'y a pas de raison pour que ce ne
soit pas gratuit.
Bien sur, tous les services doivent être financés par une sorte
d'impôts, mais ceux-ci n'auront pas forcément toujours la forme
contraignante qu'ils ont dans la société actuelle. On peut imaginer que
les membres d'une société assurent sans rémunération une grande partie
des services publics, que les contributions soient volontaires ou
différenciées (argent ou autres prestations); le fonctionnement des
services publics tient évidemment à la division du travail établie dans
une société donnée.
La division équitable ou la libre distribution des richesses plutôt que
leur accumulation aura pour résultat la fin du système de classes basé
sur la propriété. Mais les anarchistes veulent aussi la fin du système
de classe basé sur le contrôle monopolistique. Cela implique une
vigilance constante pour prévenir la croissance de la bureaucratie, et
par-dessus tout cela implique la réorganisation du travail sans classe
patronale.
Le travail
Les besoins élémentaires de l'homme sont la nourriture, l'abri et les
vêtements qui permettent de survivre; ses seconds besoins sont un
confort supplémentaire qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue.
La première activité économique de tout groupe humain est la production
et la distribution de biens qui satisfont ces besoins; et l'aspect le
plus important de la société - après les relations personnelles, dans
lesquelles elle se fonde - est l'organisation du travail indispensable.
Que pensent les anarchistes du travail? En premier lieu, ils considèrent
que tout travail est désagréable mais peut être organisé de façon à
devenir supportable et même agréable; en second lieu, que le travail
devrait être organisé par ceux qui le fournissent réellement.
Les anarchistes s'accordent avec les marxistes pour dire que le travail
dans la société actuelle aliène le travailleur. Ce n'est pas sa vie,
mais ce qu'il fait pour pouvoir, vivre; sa vie est ce qu'il fait en
dehors du travail, et lorsqu'il fait quelque chose qui lui fait plaisir
il ne l'appelle pas travail. C'est vrai de la plupart des travaux que
font la plupart des gens, partout, et c'est surement vrai d'une quantité
de travaux qu'ont fait une quantité de gens à toutes les époques. Le
labeur fatigant et répétitif qu'il faut effectuer pour faire pousser des
plantes et prospérer des animaux, pour faire marcher des branches
industrielles ou des transports, pour procurer aux gens ce qu'ils
désirent et pour leur enlever ce dont ils ne veulent pas, ce labeur ne
peut être aboli sans une chute radicale, du niveau de vie matériel; et
l'automation, qui peut diminuer la fatigue, augmente encore la
répétition. Mais les anarchistes affirment eue la solution n'est pas de
conditionner les gens à croire que cette situation est inévitable; ce
qu'il faut faire, c'est réorganiser le travail essentiel de telle sorte
que, en premier lieu, il soit normal que chaque personne capable en
fasse sa part et qu'elle n'y passe pas plus de quelques heures par jour;
en second lieu, qu'il soit possible à chacun d'alterner entre différents
types de travaux ennuyeux, qui par leur variété perdront un peu de leur
ennui. Ce n'est pas seulement une question de parts équitables pour
chacun, mais aussi de travaux équivalents.
Les anarchistes s'accordent aussi avec les syndicalistes pour dire que
le travail doit être organisé par les travailleurs. Cela ne veut pas
dire que la classe ouvrière - ou les syndicats, ou un parti de la classe
ouvrière (c'est-à-dire un parti qui prétende la représenter) - organise
l'économie et ait un contrôle ultime sur le travail. Cela ne veut pas
dire non plus, à une échelle plus petite, que le personnel d'une usine
puisse élire le directeur ou voir les comptes. Cela veut simplement dire
que les gens qui ont une tâche particulière contrôlent totalement et
directement ce qu'ils font, sans patrons ni directeurs ni inspecteurs.
Certains peuvent faire de bons coordinateurs, et ils peuvent se borner à
faire de la coordination, mais il n'est pas nécessaire qu'ils aient
aucun pouvoir sur ceux qui fournissent le travail réel. D'autres peuvent
être paresseux ou inefficaces, mais il y en a déjà aujourd'hui. Il faut
arriver à avoir le plus grand contrôle possible sur son propre travail,
aussi bien que sur sa propre vie.
Ce principe s'applique à toutes les sortes de travail - aux champs comme
en usine, dans de grandes ou de petites entreprises, à des tâches
qualifiées ou non, et à des travaux salissants comme aux professions
libérales - et ce n'est pas qu'une mesure utile pour rendre les ouvriers
heureux, mais c'est un principe fondamental pour toute économie libérée.
On objectera immédiatement que le contrôle total des travailleurs mènera
à une compétition désastreuse entre les divers lieux de travail et à la
production de biens inutiles; on répondra immédiatement que le manque
total de contrôle ouvrier conduit exactement à cette situation. Ce qu'il
faut, c'est une planification intelligente, et malgré ce que l'on semble
penser celle-ci ne repose pas sur un contrôle plus étendu au sommet mais
sur une information plus étendue à la base.
La plupart des économistes se sont préoccupés de la production plus que
de la consommation - de la fabrication des biens plutôt que de leur
utilisation. Les gens de gauche et de droite veulent tous que la
production augmente, soit pour que les riches s'enrichissent, soit pour
que l'État se renforce, et il en résulte une surproduction côtoyant la
pauvreté, une productivité croissante avec un chômage croissant, de plus
hauts bâtiments administratifs en même temps qu'une crise du logement,
de plus grandes moissons à l'hectare avec de plus en plus d'hectares en
friche. Les anarchistes se préoccupent plus de la consommation que de la
production - de l'utilisation des biens pour satisfaire les besoins de
tous plutôt que pour augmenter les profits des riches et des puissants.
Le nécessaire et le superflu
Une société qui prétend à la décence ne peut pas autoriser
l'exploitation des besoins fondamentaux. On peut admettre que les objets
de luxe soient achetés et vendus, puisqu'on a le choix de les utiliser
ou non; mais les objets nécessaires ne sont pas de pures marchandises,
puisqu'on n'a pas le choix de les utiliser ou non. S'il faut retirer
quelque chose du marché commercial et des mains des groupes
monopolistiques, c'est bien certainement la terre sur laquelle nous
vivons, la nourriture qui y pousse, les maisons qui y sont construites,
et les choses essentielles qui constituent la base matérielle de la vie
humaine - vêtements, outils, meubles, essence, etc. Il est aussi évident
que, lorsqu'une chose nécessaire est abondante, chacun devrait pouvoir
en prendre autant qu'il en a besoin; mais, lorsque quelque chose manque,
il devrait y avoir un système de rationnement adopté librement, de telle
sorte que chacun ait une part équitable. Il y a évidemment quelque chose
de faux dans un système où gaspillage et pénurie se côtoient, où
certains ont plus que le nécessaire tandis que d'autres manquent de tout.
Par-dessus tout, il est clair que le premier devoir d'une société saine
est d'éliminer la rareté des biens indispensables - comme le manque de
nourriture dans les pays sous-développés et le manque de logements dans
les pays développés - par l'utilisation des connaissances techniques et
des ressources sociales. Si les qualifications et la force de travail
existant en Angleterre ou en France, par exemple, étaient convenablement
utilisées, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse produire assez de
nourriture et construire assez de maisons pour nourrir et loger toute la
population. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, parce que la société
actuelle a d'autres priorités, mais ce n'est pas impossible. On a
prétendu à une époque qu'il était impossible que chacun soit habillé
convenablement, et les pauvres portaient des guenilles; maintenant, on
dispose d'une quantité de vêtements, et on pourrait aussi disposer d'une
quantité d'autres choses.
Le luxe par un étrange paradoxe, est aussi nécessaire, mais ce n'est pas
une nécessité de base. Le second devoir d'une société saine est de
rendre le luxe accessible librement bien que ce soit un domaine où
l'argent pourrait avoir encore une fonction utile à, condition qu'il ne
soit pas distribué selon le système ridicule des pays capitalistes, ou
le système encore plus absurde des pays communistes. Le problème
essentiel est que chacun ait accès librement et également au luxe. Mais
l'homme ne vit pas de pain seulement, ni même de gâteaux. Les
anarchistes ne voudraient pas voir toutes les activités de loisir,
intellectuelles, culturelles, etc., aux mains de la société - même de la
société la plus libertaire. Néanmoins, il y a des activités qui ne
peuvent être laissées aux individus groupés en associations libres mais
qui doivent être gérées par la société tout entière. Ce sont les
services sociaux, l'entraide au-delà des limites de la famille et des
amis, en dehors du lieu d'habitation ou de travail. Examinons trois de
ces services.
La société du bien-être
L'éducation est très importante dans les sociétés humaines, parce que
l'homme met beaucoup de temps à, grandir et à apprendre les faits et les
techniques nécessaires à la vie sociale, et les anarchistes se sont
toujours beaucoup intéressés aux problèmes de l'éducation. Plusieurs
penseurs anarchistes ont apporté des contributions de valeur à la
théorie et à la pratique de l'éducation, et plusieurs réformateurs de
l'éducation ont eu des tendances libertaires - de Rousseau et Pestalozzi
à Montessori, A. S. Neill et Freinet. Des idées sur l'éducation que l'on
croyait utopiques sont maintenant intégrées à l'enseignement tant publie
que privé, et l'éducation est peut-être le domaine de la société le plus
enthousiasmant pour ceux qui veulent mettre l'anarchisme en pratique. Si
on nous dit que l'anarchisme est une idée attrayante mais inapplicable,
nous n'avons qu'à montrer une école d'avant-garde, une classe
d'adaptation pratiquant des méthodes actives, un club de jeunes
autogéré. Cependant, même le meilleur système d'éducation reste contrôlé
par les gens en place: enseignants, directeurs, administrateurs,
inspecteurs, etc. Les adultes concernés par l'éducation ont généralement
tendance à en contrôler toutes les formes; en vérité, il n'est pas
nécessaire qu'elle soit contrôlée par eux, ni à plus forte raison par
les gens qui n'ont rien à y voir.
Les anarchistes voudraient que les réformes actuelles de l'enseignement
aillent beaucoup plus loin. Il ne faudrait pas seulement abolir la
discipline stricte et les châtiments, il faudrait abolir toute
discipline et toute punition. Il ne faudrait pas seulement que les
institutions d'enseignement soient délivrées du pouvoir des autorités
extérieures, mais les élèves eux-mêmes devraient être délivrés du
pouvoir des enseignants et des directeurs. Dans une relation éducative
saine, le fait que l'un en sache plus que l'autre n'est pas une raison
pour que l'enseignant ait une autorité quelconque sur l'enseigné. Le
statut des maîtres dans la société actuelle est basé sur l'âge, la
force, l'expérience, la loi; mais le seul statut que devraient avoir les
maîtres devrait être basé sur leurs connaissances dans un domaine et
leur capacité de l'enseigner, et finalement sur leur capacité d'inspirer
l'admiration et le respect. Il ne faut pas tant un pouvoir étudiant bien
qu'il soit un utile correctif au pouvoir des enseignants et des
bureaucrates - qu'un «contrôle ouvrier» exercé par tous ceux qui sont
concernés par une institution éducative. Le problème essentiel est de
briser le chaînon entre enseigner et gouverner, et de libérer l'éducation.
Cette rupture est en fait beaucoup plus proche dans le service médical
que dans l'enseignement. Les docteurs ne sont plus des magiciens, les
infirmières ne sont plus des saintes; et dans bien des pays - en
particulier en Angleterre - le droit aux soins médicaux gratuits est
garanti. Ce qui est nécessaire, c'est une extension du principe de
liberté économique au côté politique de la médecine. Il faudrait qu'on
puisse aller partout à l'hôpital sans payer, et il faudrait aussi qu'on
puisse travailler dans les hôpitaux sans hiérarchie. Une fois de plus,
il faut un contrôle exercé par tous les travailleurs employés dans une
institution médicale. De même que l'enseignement est fait pour les
élèves, de même les services médicaux sont faits pour les patients.
Le traitement de la délinquance a aussi beaucoup progressé, mais il est
encore loin d'être satisfaisant. Que pensent les anarchistes de la
délinquance? En premier lieu, ils considèrent que la plupart de ceux
qu'on appelle criminels sont comme les autres gens juste un peu plus
pauvres, plus faibles, plus fous, plus malchanceux; en second lieu, que
ceux qui nuisent sans cesse aux autres ne devraient pas être punis à
leur tour, mais qu'il faudrait prendre soin d'eux. Les plus grands
criminels ne sont pas les cambrioleurs mais les patrons, pas les
gangsters mais les gouvernants, pas les meurtriers mais ceux qui
exterminent les masses. Quelques injustices mineures sont mises au
pilori et punies par l'État, tandis que les plus grandes injustices de
la société actuelle sont dissimulées et même commises par l'État
lui-même. En général, la punition cause un plus grand mal à la société
que le crime; elle est plus systématique, mieux organisée, et beaucoup
plus efficace. Néanmoins, même la société la plus libertaire devra se
protéger contre quelques personnes, et cela impliquera forcément une
certaine contrainte. Mais le traitement propre de la délinquance fera
partie du système éducatif et curatif et ne sera pas un système pénal
institutionnalisé. En dernier ressort, on n'imposera pas
l'emprisonnement ni la mort, mais le boycott ou l'expulsion.
Le pluralisme
Le contraire peut aussi arriver. Un individu ou un groupe peut refuser
de se joindre à la meilleure société possible, ou il peut insister pour
la quitter; rien ne saurait l'arrêter. Théoriquement, un homme peut
subvenir seul à ses besoins, bien qu'en pratique il dépende de la
communauté qui lui fournit du matériau et prend ses produits en échange;
il est donc difficile de se suffire littéralement à soi-même. Une
société collectiviste ou communiste devra tolérer et même encourager les
zones d'individualisme. Ce qui serait inacceptable, ce serait qu'une
personne indépendante essaie d'exploiter la force de travail des autres
en les engageant à des salaires injustes, ou qu'elle échange des
produits à de faux prix. Cela ne doit pas arriver, parce qu'on ne
travaillera généralement pas ni n'achètera de produits au profit
d'autrui, mais seulement au sien propre; et de même qu'aucune loi
n'interdira l'appropriation, aucune n'interdira l'expropriation - on
pourra prendre ce qu'on voudra à autrui, niais il pourra le reprendre.
L'autorité et la propriété pourront difficilement être retrouvées par
des individus isolés.
Un plus grand danger peut venir de groupes indépendants. Une communauté
séparée pourra facilement exister dans une société, et pourra provoquer
de graves tensions; si elle retourne au système de propriété et
d'autorité, ce qui pourra augmenter le standard de vie d'une minorité,
d'autres seront tentés de rejoindre les séparatistes, particulièrement
si la société dans son ensemble traverse une dure période.
Mais une société libre doit être pluraliste, et tolérer non seulement
des différences d'opinion sur la manière de pratiquer la liberté et
l'égalité, mais encore des déviations à sa théorie de la liberté et de
l'égalité. La seule condition devrait être que personne ne soit forcé
d'adhérer à aucune tendance contre son gré, et il faudra là une sorte de
contrainte pour protéger même la plus libertaire des sociétés. Mais les
anarchistes veulent remplacer la société de masse par une masse de
sociétés, vivant ensemble aussi librement que leurs membres. Le plus
grand danger pour les sociétés libres qui ont existé n'a pas été la
régression intérieure mais l'agression extérieure, et le vrai problème
n'est pas tant de savoir comment faire marcher une société libre que de
savoir comment la faire démarrer.
Révolution ou réforme
Les anarchistes ont traditionnellement été partisans d'une révolution
violente pour établir une société libre, mais certains d'entre eux ont
rejeté la violence, ou la révolution, ou les deux à la fois la violence
est si souvent suivie d'une contre-violence, et la révolution d'une
contre-révolution. D'autre part, peu d'anarchistes ont été partisans de
simples réformes, car ils estimaient que, tant que le système d'autorité
et de propriété existe, des changements superficiels ne mettront jamais
en danger l'infrastructure de la société. Le difficile, c'est que ce que
les anarchistes veulent est bien révolutionnaire, mais une révolution
n'amènera pas nécessairement - et même probablement pas - ce qu'ils
veulent. Voilà pourquoi les anarchistes se sont souvent résolus à des
actions désespérées ou sont tombés dans une inactivité sans espoir.
Pratiquement, la plupart des disputes entre les anarchistes réformistes
et révolutionnaires sont vaines, car seuls les révolutionnaires les plus
fanatiques refusent d'accueillir favorablement les réformes, tous savent
bien que leur action ‘ne mènera généralement à, rien de plus qu'à des
réformes et tous les réformistes savent que leur action mène en général
à une sorte de révolution. Ce que les anarchistes veulent, c'est une
pression constante qui amène la conversion des individus, la formation
de groupes, la réforme d'institutions, le soulèvement du peuple, et la
destruction de l'autorité et de la propriété. Si cela arrivait sans
désordre, cela comblerait nos voeux; mais ça n'est jamais arrivé, et
n'arrivera probablement jamais. Vient le moment où il faut sortir et
affronter les forces de l'État dans son quartier, au travail, dans les
rues - et si l'État est vaincu il faudra d'autant plus continuer à agir
pour empêcher l'établissement d'un nouvel État et pour commencer à
construire une société libre. Il y a une place pour chacun dans ce
processus, et tous les anarchistes trouveront quelque chose à faire dans
le combat pour obtenir ce qu'ils veulent.»
Nicolas Walter, in Anarchisme et non-violence - octobre 1969
SOURCE: Partage Noir
https://www.socialisme-libertaire.fr/2024/01/pour-l-anarchisme-que-veulent-les-anarchistes.html
_________________________________________________
A - I n f o s
informations par, pour, et au sujet des anarchistes
Send news reports to A-infos-fr mailing list
A-infos-fr@ainfos.ca
Subscribe/Unsubscribe https://ainfos.ca/mailman/listinfo/a-infos-fr
Archive: http://ainfos.ca/fr
A-Infos Information Center