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(fr) Courant Alternative #342 (OCL) - France, Travail(le): au moins, ça a le mérite d'être clair

Date Wed, 17 Jul 2024 19:09:18 +0100


Pôle emploi donnait sans doute l'impression aux bureaucrates qui ne le fréquentent pas d'une structure un peu trop sociale, une agence à laquelle on se pointait pour venir toucher des allocs plus que pour repartir avec un emploi... Avec France Travail, c'est clairement écrit sur la boîte, il s'agit de remettre les gens au travail. De force, ou de force. Retour sur les 7 dernières années durant lesquelles les réformes de l'assurance chômage se sont enchaînées, rendant la situation des gens en galère de plus en plus intenable, les nouveautés du début de l'année 2024 et les sombres perspectives de la fin de cette année. ---- Retour sur les réformes de l'assurance chômage depuis 2017 ---- 2017: c'est la fin du modèle assurantiel de l'assurance chômage. Une partie des cotisations salariales qui financent l'assurance chômage est remplacée par de la CSG (un impôt). C'est une mesure discrète, lourde de conséquences: désormais, au travers de l'impôt, l'État est seul décideur de la part de son budget qu'il décide d'allouer à l'assurance chômage. De quoi peser plus que lourd dans les «négociations avec les "partenaires" sociaux».

2019 - Janvier: loi pour un «avenir professionnel»... qui s'est traduite par des radiations plus systématiques. Ne plus aller à un rendez-vous avec son conseiller? Et hop, 1 mois de radiation (contre 2 semaines auparavant). Un second loupé? Vous prenez 2 mois, et 4 mois au troisième... Autre possibilité de perdre son allocation: le refus d'une «offre raisonnable d'emploi». Si l'on décline deux offres de plus: elle est supprimée pour 2 mois, et pour 4 mois au troisième refus... Et finalement, il n'est désormais plus légitime de refuser une offre au motif que le salaire est inférieur à celui qu'on touchait lors de son dernier travail.

2019 - Novembre: c'est le durcissement des conditions d'accès aux allocations. Pour ouvrir des droits, il faut avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers (contre 4 mois sur 28 précédemment). L'effet de cette réforme ne s'est pas fait attendre: dès son application, les ouvertures de droits ont chuté drastiquement... On se doute que ce n'était pas parce que les gens avaient miraculeusement retrouvé des emplois! A ce volet s'est ajoutée la diminution de l'allocation pour les très hauts revenus, qu'on n'a pas très envie de pleurer et qui ne concerne, de toute façon, qu'autour de 90 000 personnes (dans leur majorité des hommes, cadres, ayant perdu un revenu de 7000 € brut, selon une enquête de l'Unédic) et une possibilité d'ouverture des droits pour les démissionnaires (sous conditions: il faut avoir 5 ans d'ancienneté et un projet professionnel de reconversion validé par une commission).

2021: les modalités du calcul de l'indemnité journalière changent. C'est probablement le coup qui a frappé le plus fort sur la tête des précaires. Le calcul se fait désormais en divisant les salaires perçus lors des 24 derniers mois par les jours calendaires, entre le premier jour du premier contrat et le dernier jour du dernier, en comptant toutes les périodes, travaillées ou non. Les temps partiels ou alternant entre périodes de contrat et de chômage sont automatiquement défavorisés par ce calcul. Il tombait parfois tellement bas qu'un seuil a été introduit... on ne peut pas percevoir moins que 57% de la somme obtenue avec l'ancien mode de calcul. Belle économie, pour l'État.

2022: instauration du bonus-malus des entreprises... le taux de cotisation patronale varie de 3 à 5% environ selon que l'entreprise utilise ou non trop de CDD.

2023 - Février: introduction du concept de «contracyclicité». Quand le marché de l'emploi va bien (< 9% de chômeurs dans la population employable), la durée d'indemnisation maximale passe de 24 à 18 mois. Quand il va mal (> 9%, ou hausse sur 3 trimestres): maintien de la durée des allocs (ils appellent ça «être généreux»).

2023 - Avril: un abandon de poste n'ouvre plus droit au chômage, un salarié étant désormais présumé démissionnaire lorsqu'il abandonne son poste au lieu d'être licencié par l'employeur pour faute.

France Travail 2024:  le travail contraint, à peine déguisé

Si vous avez tenu jusque-là, accrochez-vous bien à vos cheveux: ce n'est pas terminé.

Les décrets de fin 2023 instaurent désormais la suppression pure et simple des allocations si l'on refuse de poursuivre (au même poste, même lieu de travail et rémunération équivalente ou supérieure) un CDD en CDI, et ce, deux fois dans l'année. Mais comment diable l'administration peut-elle bien être au courant? Car, jusqu'à présent, il fallait que les offres émanent de Pôle emploi pour que l'institution ait connaissance de notre refus (et mette en place, ou non, à la discrétion de chaque agence, et en fonction des besoins statistiques, la suppression d'allocations ad hoc). Avec France Travail (ta-dam!), les entreprises ont désormais acquis la possibilité de dénoncer leur salarié en CDD refusant de continuer à se faire exploiter chez eux (ça doit être ce qu'ils appellent «l'accompagnement des entreprises»...). Un site tout nouveau, tout beau a été créé pour ce faire afin qu'il soit efficace et agréable pour l'employeur d'effectuer cette dénonciation[1]. Belle épée de Damoclès pour les travailleurs qui se trouveraient bien de toucher un CDD amélioré chaque mois de la prime de précarité (ce qui met des épinards dans les épinards). On s'approche toujours un peu plus du travail contraint.

France Travail, c'est aussi le lieu unique de recensement de tous les chômeurs (jeunes qui dépendaient jusque-là des missions locales, handicapés qui dépendaient de Cap emploi, allocataires du RSA[2]qui dépendaient des départements) - au passage, on voit mal comment l'inscription de tout ce beau monde à la même enseigne réduira les chiffres du chômage, mais ce n'est pas notre problème. L'objectif non assumé est bien évidemment de réduire les dépenses d'indemnisation en remettant au travail tous ceux dont on évalue qu'ils le peuvent: handicapés - ils peuvent quand même être utiles! -, jeunes parents - on vous promet des places en crèches pour repartir vite au turbin. Tout ce beau monde sera tenu de signer un contrat d'engagement unifié mentionnant ses «objectifs d'insertion sociale et professionnelle» remplaçant le Projet Personnalisé d‘Accès à l'Emploi, le Contrat Engagement Jeune et le Contrat d'Engagement Réciproque ayant cours jusqu'alors.

Transformation du RSA

Sous des dehors de «simplification», cette inscription de toutes les personnes «employables» à la même enseigne permet d'accentuer la pression sur ceux et celles qui touchent le RSA. D'ici 2025 se retrouveront de fait inscrits à France Travail tous les bénéficiaires du RSA: les allocataires eux-mêmes, mais aussi leurs conjoints bénéficiaires.

Depuis 2023 a été lancée une expérimentation dans 17 départements qui visait à «intensifier l'accompagnement» de personnes allocataires du RSA. Cela n'a pas été appliqué de la même façon dans toutes les zones de test: selon les départements, c'était sur un mode bénévole ou bien les profils étaient sélectionnés et convoqués en fonction de leur «éloignement de l'emploi»... Le principe par contre reste identique partout: pour pouvoir continuer de toucher la prestation, il faut justifier de 15 à 20 heures d'activités hebdomadaires. Tout un fatras d'activités sont comptées, comme faire du bénévolat dans une asso, passer le permis et bien sur les démarches de recherche d'emploi en tant que telles. Ce cheval de Troie est désormais étendu à 47 départements[3], dont la Vienne, et il serait généralisé en 2025.

Alors, 15 heures d'activités par semaine, «ce n'est pas du travail», se récrient les ministres, les uns après les autres. Et pourtant, certains ont déjà de riches idées en ce sens: la députée Les Républicains de l'Aube, Valérie Bazin-Malgras, avait déjà il y a 2 ans déposé une proposition de loi visant à «conditionner le versement du RSA à l'aide active aux vendanges et récoltes saisonnières». «On ne va pas leur demander, on va les obliger» précisait-elle...

Quand bien même il ne s'agirait pas de travail, le fait d'imposer une durée d'activité hebdomadaire en échange d'une prestation sociale revient bien à en contraindre l'inconditionnalité.

Du RMI au RSA: des modifications de fond

Le RMI, créé en 1988, visait à accorder «à toute personne en situation d'exclusion des moyens convenables d'existence» en favorisant, par le biais d'un revenu minimum inconditionnel, l'insertion... sans préciser si elle était sociale ou professionnelle.

Avec le RSA créé 20 ans après, il n'y a depuis le début plus d'ambiguïté: il s'inscrit dans la logique des «droits et devoirs», et il s'agit désormais «d'encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle». Les allocataires sont tenus de «rechercher un emploi, d'entreprendre des démarches...». Si, depuis longtemps, ils sont très contrôlés - y compris par le moyen de la mise sous surveillance de leur compte en banque - le fait d'introduire une durée minimale d'activité comme condition pour continuer de percevoir l'allocation termine d'en enterrer l'inconditionnalité.

Un «accompagnement renforcé»?  Oui: vers la sortie

Et en échange de cet «effort» de la part de ceux qui veulent toucher leur prestation, l'État s'engage à renforcer les moyens alloués à l'aide à la recherche d'emploi, à la formation... Promesse qui n'engage que ceux qui y croient. Ce qu'on observe, par contre, c'est que l'accent est mis sur les contrôles! Attal a d'ores et déjà annoncé que les contrôles devraient passer de 500 000 (en 2023) à 1,5 million par an dès 2025. Les médiateurs nationaux, qui gèrent les litiges entre Pôle emploi et les usagers, ont enregistré une forte hausse du taux de recours en 2023 pour le motif de «radiation»... Pour ce qui est des allocataires du RSA, le contrôle se fera par le biais du rendez-vous hebdomadaire pour présenter les activités de la semaine... Les sanctions, en cas de manquement? La suspension du RSA le temps de montrer de nouveau patte blanche, avec perception possible à posteriori des sommes retenues, et cessation partielle ou totale de l'allocation en cas de refus des contrôles, et aussi si le refus est fréquent. Évidemment, le non-recours au RSA, déjà haut (en 2018, 34 % des foyers éligibles ne recouraient pas au RSA... et 20 % 3 trimestres de suite, selon la DREES[4], risque d'exploser.

Quant aux chômeurs et chômeuses, tous et toutes ne sont pas concernés par la chasse à «une bonne recherche d'emploi»: seuls ceux qui sont indemnisés seront soumis aux contrôles de France Travail, car il y a des sous à récupérer. Pour ceux et celles qui s'inscrivent à France Travail sans indemnisation et en souhaitant un accompagnement, l'accompagnement est et restera inexistant. Il s'agit bien d'une réforme fiscale...

Vous reprendrez bien un peu de réforme pour la route?

Ça fait déjà beaucoup... mais il y a plus. Un nouveau décret est annoncé par Attal «d'ici le 1er juillet», et ce, malgré l'agitation politique de ces dernières semaines, pour une application à l'hiver prochain, et ce malgré l'augmentation continue du chômage depuis 2023 (passé de 7,1% à 7,4%, ce qui aurait du engendrer, selon leurs propres histoires de contracyclicité, qu'ils nous foutent la paix...): le gouvernement prévoit la réduction de plusieurs mois de la durée d'indemnisation (à 15 mois maximum, au lieu de 18 actuellement); le durcissement de l'accès aux droits par notamment l'augmentation de la durée d'affiliation nécessaire pour les ouvrir (8 mois travaillés sur les 20 précédents) et la baisse du niveau d'indemnisation.

Durcir les règles d'indemnisation pour inciter à la reprise d'un emploi? Un gros tiers des gens inscrits à feu Pôle emploi n'étaient pas indemnisés: c'est bien que réduire les allocations ne remet pas, comme par miracle, les gens au travail...

Passer de l'aide sociale quand y a besoin...
au travail! Sinon rien

Dans tout ce bordel, le fond idéologique est le même: les gens qui ne bossent pas sont assistés, et les droits sociaux ne sont plus inconditionnels, ils doivent être conditionnés à des devoirs.

Le discours omniprésent sur l'assistanat, le fait que «trop de gens vivent de la solidarité nationale» donne une assise forte à ces lois. A force de le rabâcher, une large proportion des travailleurs et des travailleuses pauvres y adhèrent: ces réformes sont ainsi peu contestées, même par ceux qu'elles desservent.

Sur le plan des choix politiques, on est passé du «welfare», à savoir l'aide sociale quand il y en a besoin, au «workfare[5]», à savoir «le travail, sinon rien», politique que l'on connaît bien outre-Atlantique... et qu'on ne leur envie guère. Quand elles sont mises en place, ces politiques s'accompagnent toujours d'un discours faisant porter aux allocataires la responsabilité de leur situation et insistant sur les devoirs et les obligations sociales. Elles invisibilisent totalement le travail de soin, d'éducation, d'entraide qu'accomplissent les personnes qui choisissent ou non de ne pas avoir d'emploi. Ces politiques participent à la construction d'une nouvelle catégorie de travailleurs et de travailleuses, contraints d'accepter n'importe quel boulot, à n'importe quel prix. On conclura avec Jamie Peck[6]que le «workfare» ne «consiste pas à créer des emplois pour ceux qui n'en ont pas, mais à créer des travailleurs pour des emplois dont personne ne veut».

Jolan

Notes
[1]ça vaut le coup d'oeil, on vous met le lien ici
[2]Le RSA tel que nous le connaissons aujourd'hui concernait fin 2021 1,93 million de bénéficiaires, soit 3,87 millions de personnes en comptant les conjoints et enfants... 6 % de la population française
[3]Depuis 1 an, cette mesure s'applique dans les départements suivants: Côte-d'Or, Yonne, Ille-et-Vilaine, Loiret, Vosges, Aisne, Nord, Somme, Yvelines, Eure, Creuse, Pyrénées-Atlantiques, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Loire-Atlantique, Mayenne, la métropole de Lyon et La Réunion.
Et, depuis le 1er mars 2024, dans les suivants: Haute-Savoie, Rhône, Allier, Cantal, Territoire de Belfort, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Finistère, Loir-et-Cher, Cher, Eure-et-Loir, Meuse, Bas-Rhin et Haut-Rhin (qui constituent la collectivité européenne d'Alsace), Ardennes, Marne, Pas-de-Calais, Oise, Essonne, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Manche, Seine-Maritime, Charente-Maritime, Vienne, Alpes-Maritimes, Vaucluse, Sarthe et Guadeloupe.(3)
[4]Voir sur le site de la DREES, «mesurer régulièrement le recours au RSA»
[5]Terme que l'on doit à Nixon, popularisé par Reagan.
[6](Workfare States, 2001, J. Peck

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4219
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