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(fr) Courant Alternatif #326 (OCL) - Pourquoi j'ai démissionné de l'Éducation Nationale?
Date
Thu, 19 Jan 2023 21:46:26 +0000
Nous publions ci-dessous le témoignage d'un professeur des école,
militant syndicaliste, qui a fait le choix de démissionner de
l'éducation nationale, et a du se battre pour cela. Au-delà du
témoignage singulier, ce texte expose bien la maltraitance des individus
par une institution convertie au nouveau management public, les
différentes raisons qui conduisent à l'épuisement des personnels de
l'éducation nationale, et les poussent de plus en plus vers la sortie.
---- Pour expliquer mon cheminement je pense qu'il est nécessaire de
faire un retour sur mon parcours professionnel ... ---- Une formation
ultra-libérale (j'ai un magnifique diplôme de marketing et stratégies
internationales), 7 ans d'expérience en Ressources humaines (RH) en
mode: «Comment fermer un site de production ou un siège social sans trop
de vagues?»
Le début de mon rapprochement avec les syndicats car participant à
l'organisation des licenciements, j'étais en lien direct avec les
directions générales et les syndicats. Puis, 7 ans dans un réseau
associatif de conseil en création et développement de petites et
moyennes entreprises engagé dans l'Économie sociale et solidaire (ESS)
avant la mode. Mais toujours cette envie d'enseigner aux plus jeunes qui
me taraudait. Donner plus de sens à mes connaissances et être plus utile
à la société.
En 2003 je saute le pas. Je quitte mon poste pour préparer le Concours
de recrutement de professeur des écoles (CRPE) et en parallèle je
travaille aussi sur un projet de création d'entreprise dans le domaine
du e-learning avec un ami ingénieur en intelligence artificielle. Je
m'occupe des contenus pédagogiques, des aspects juridiques, fiscaux et
financiers et lui de la technique et du commercial. Un premier ratage
pour le concours, je poursuis l'année suivante 3 lièvres à la fois:
Préparation du concours, retour en CDD chez mon précédent employeur et
accompagnement de la naissance de Citrus-Ingénierie.
2004 ok pour le concours. Salaire divisé par 2 mais une vraie envie! 1
an d'IUFM à Nantes mais je suis nommé en... Vendée... Pfff.... ok, j'y
vais, j'achète un vieux camping-car qui me servira de maison pendant la
semaine, une école sympa au bord de mer, classe de maternelle (Petite
section/ Moyenne section).
L'année suivante retour en 44 dans mon école de rêve car j'y avais fait
un stage pendant mon année d'IUFM, en REP+ à la Chesnaie[1]. J'y ai
bossé 8 ans c'était mon but, enseigner à ceux qui en ont le plus besoin.
En 2014, burnout après une année avec une classe très difficile et une
accumulation de problèmes personnels durant 3 ans, je décide de devenir
Titulaire remplaçant et je déménage à 300 m. à la Trébale (autre
quartier nazairien); la REP+, on l'aime ou on la quitte!
Certes remplaçant nouveau métier, pas une fin mais un objectif: visiter
un max d'écoles et voir là où je pourrai de nouveau poser mon cartable.
Ainsi, durant 8 ans j'alterne les remplacements courts d'une journée et
longs (année scolaire complète). Excellent poste d'observation puisque
j'interviens de la petite section à la 3ème SEGPA, tous milieux sociaux,
tous types d'élèves et notamment en Unité locale d'intégration scolaire
(ULIS). Durant l'année 2015/2016 je suis binôme dans une ULIS «élèves
souffrants de troubles d'apprentissage», j'y passe une demi-année
formidable et cela suscite une nouvelle vocation, passer le CAPASH[2]et
intégrer une ULIS. Très vite ma motivation est douchée par la réforme
future des ULIS et l'inclusion à marche forcée qui s'annonce. Je laisse
tomber ce projet, à quoi bon passer une année très compliquée en menant
de front formation, préparation de classe, rédaction de mémoire pour un
métier qui sera accaparé par la rédaction de paperasse et la gestion
d'élèves en crise? Je ne suis pas entré dans ce métier pour ne pas faire
classe!
Mais, un autre métier de l'EN me motive: enseignant pour élèves
allophones. J'en ai eu de nombreux dans mes classes, je ne m'en sortais
pas trop mal. J'ai passé quelques années en CP et CE1 donc j'ai quelques
notions sur l'apprentissage des bases de la langue française, je parle
anglais et espagnol quasi couramment donc je considère qu'outre la
motivation, j'ai quelques compétences qui me faciliteront la tâche. Je
participe à plusieurs formations «éducation nationale», certes je n'ai
pas de formation universitaire FLE (français langue étrangère) mais je
suis prêt à franchir les obstacles annoncés, notamment préparer en
candidat libre le diplôme qui deviendra bientôt obligatoire. Deuxième
douche, c'est bien beau d'avoir tous les prérequis pour postuler sur ces
postes...il y a de moins en moins de postes ouverts malgré une nécessité
de plus en plus prégnante!
Retour à la case départ, je vais reprendre un poste de prof' des écoles
«classique».
MAIS, mais, mais, pendant ce temps, les réformes s'enchaînent.
Syndiqué puis syndicaliste j'observe et constate la dégradation du
métier. Je rencontre de plus en plus de collègues en souffrance du fait
du métier et des exigences hors-sol venues d'en haut, les injonctions
hiérarchiques contradictoires, le flicage et les menaces pour celles et
ceux qui tentent de résister, la dégradations des relations avec les
parents, le mépris d'une grande partie de la société française, les
salaires bloqués devenant de plus en plus indigents, de surcroît
l'apathie et l'absence de solidarité de beaucoup de collègues qui
exercent dans des cocons protégés (pas ou peu d'élèves en difficulté,
beaucoup de moyens matériels, etc.). Mais aussi, de plus en plus
fréquemment des collègues ultra-compétents·es et motivé·es qui
envisagent de quitter le métier.
Été 2019, c'est le déclic, durant le convoyage d'un catamaran de 15m
entre La Baule et la Sardaigne je pense demander une disponibilité pour
pratiquer ma passion depuis mon adolescence- la navigation à la voile-
pendant 2 ans. Mais après? Retourner dans mon métier de plus en plus
dégradé? La réintégration sera compliquée...
Je reprends à la rentrée de cette année scolaire si spéciale. En mars
2020, plus de missions de remplacements, en revanche les attaques contre
notre profession s'accélèrent avec tout le mépris qui va avec. Pendant 4
mois, je fais ce que je peux pour aider des collègues, notamment je
prépare tous les jours des supports écrits pour les collègues de cycle 3
dans une école où j'effectuais un remplacement censé durer jusqu'à la
fin de l'année en petite section, un peu de standard téléphonique pour
mon école de rattachement mais j'ai aussi le temps de préparer ma sortie.
Rentrée 2020/2021. Le lendemain de la rentrée je retourne à mes
premières amours à la Chesnaie, la collègue a tenu 1 jour dans sa
classe!!! Elle a quitté l'éducation nationale, j'ai donc récupéré cette
classe de CM1 avec tout à faire. Je suis assez content car je connais
déjà une bonne partie de l'équipe avec qui je m'entends très bien, cette
école n'a pas de secrets pour moi et je retrouve une classe de REP+
comme je les aime (3 allophones, quelques élèves au rapport compliqué
avec les règles, etc..) mais c'est MA CLASSE, je fais à ma manière
puisqu'il y a tout à faire. Je m'y éclate car, oui, être en classe c'est
toujours un vrai bonheur, j'aime toujours autant ce métier... sur le
terrain. Ce pour quoi j'avais décidé de rentrer dans l'EN.
Je m'y plais tellement que j'en oublie de faire ma demande de dispo dans
les délais... Mais au mois de mars une amie m'annonce qu'elle vient
d'obtenir une rupture conventionnelle (RC) et qu'elle quitte l'EN après
25 ans de service pour pratiquer sa passion de façon professionnelle. Je
me renseigne et constate que si les RC existent bien dans l'EN, elles
sont attribuées au compte-goutte et de manière très opaque. Mais voilà
la solution pour partir avec une ceinture de sécurité (chèque de départ
et droit aux allocs chômage). Le mois suivant j'intègre le bureau
départemental du SNUIPP[3]1 jour par semaine je réponds aux demandes et
plaintes de collègues. Je découvre alors que le mépris de
l'administration envers le personnel de terrain est bien au-delà de ce
que j'imaginais. C'est de la maltraitance! Je découvre aussi que
quelques-uns et quelques-unes ne devraient plus y être mais sont
protégés·es par cette même administration. De plus en plus écoeuré par
toutes ces injustices j'en conclus que mon départ sera définitif. L'été
2021 me permet de peaufiner mon projet professionnel, devenir skipper
pro, profession réglementée malgré mon expérience le cursus est long et
cher mais on n'a qu'une vie. Octobre 2021, ma demande de RC part en
recommandé-accusé de réception vers ma supérieure hiérarchique qui se
garde d'aller chercher le recommandé qui m'est retourné 1 mois plus
tard... toujours le mépris!
Je fais alors une remise en main propre. Je suis reçu en entretien fin
janvier 2022. On m'annonce une réponse fin mars/début avril. J'ai un peu
d'espoir mais je sais que les 10% de RC accordées sont celles qui ont
été demandées le plus tôt et j'en fais partie. Mi-avril, tous les
élus.es de la première charrette ont leurs réponses positives ou
négatives...sauf moi! Situation inédite, je remonte au créneau, m'agace
mais on m'explique que c'est compliqué, ni favorable, ni défavorable...
Il faudra que j'attende fin juin! Pendant ce temps, je continue à
constater la maltraitance accélérée des collègues entre les refus de
temps partiels, l'absence de soutien de la hiérarchie dans des écoles en
tension, etc. Je me dis que décidément si ma RC est refusée je
démissionnerai. Fin juin, les réponses arrivent, sauf pour moi! J'ai
beau remonter au créneau pour connaître cette différence de traitement,
rien n'y fait, sans explication. Je recevrai par mail la réponse
négative le 12 juillet, j'étais déjà en mer. De retour 2 jours à
St-Nazaire le 7 aout, ma demande de démission part le 8 aout. Le 31
échange téléphonique avec la DRH qui commence à me la jouer: «Vous savez
Monsieur, nous avons 4 mois pour répondre à votre demande et nous
pouvons la refuser.» J'indique que si je retourne en classe je
convoquerai immédiatement les parents d'élèves pour leur expliquer et
leur remettre un écrit expliquant comment je commettrai une faute lourde
et qu'au passage je convoquerai la presse pour une copie car ayant une
petite habitude d'expression dans les médias. Réponse: «OK, Monsieur,
quand voulez-vous partir?». Fin de l'histoire ou presque puisqu'il a
fallu que j'aille tenir un siège à la DSDEN[4]à Nantes pour obtenir le
papier obligatoire pour mon inscription à Pôle Emploi qui devait m'être
remis le jour de mon départ. Un grand moment! J'ai fait un
enregistrement audio. Bref, je ne fais plus partie de l'EN depuis le
30/09/2022. Pourtant, j'adorais être en classe et, sans vouloir me la
jouer grosse tête, quand il m'arrive de rencontrer d'anciens élèves ou
parents d'anciens élèves je sais ce qu'ils me disent et je le garde
précieusement.
Pour l'anecdote, mon dernier cours c'était un vendredi entre 15h/17h fin
juin avec des 3èmes SEGPA. Leur dernier cours en collège et le mien dans
l'EN. Cours de science. 2h sur le réchauffement climatique, j'avais bien
préparé l'affaire mais grosse appréhension compte-tenu des circonstances
du calendrier. Super, j'avais préparé 1h de supports variés et
alternance de questions/réponses, il s'est passé ce dont je rêvais, 2 h
d'échanges et de mini-débats intéressants avec des élèves intéressés
pourtant si souvent stigmatisés. De quoi encore nourrir quelques regrets.
En résumé si j'ai quitté l'EN c'est à cause des réformes incessantes, du
mépris, de la maltraitance et de l'incompétence de notre hiérarchie mais
surtout pas à cause des élèves!
Aujourd'hui, 2 novembre 2022, un mois après mon départ, je m'agite avec
assurance maladie, banque, impôts, etc., car dans moins de 3 semaines je
pars chercher un magnifique bateau à Capetown en Afrique du sud pour
l'emmener au sud des Caraïbes. Une navigation d'environ 3 mois en
comptant les escales (Ste Hélène, Fernando de Noronha -le plus bel
archipel du monde d'après de nombreux témoignages, Grenada Island)
ensuite tout l'arc sud caribéen pour rejoindre la Martinique et rentrer
à Saint-Nazaire.
J'ai quitté l'EN pour faire ce genre de choses et là, j'ai désormais peu
de regrets.
Pierre
Notes
[1]REP+ réseaux d'éducation prioritaire renforcé, La Chesnaie Quartier
populaire nazairien
[2]Certificat d'aptitude professionnel enseignement adapté et élèves en
situation de handicap, devenue aujourd'hui CAPPEI: aptitude aux
pratiques de l'école inclusive...
[3]Syndicat du premier degré de la FSU
[4]Direction des services départementaux de l'éducation nationale
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article3515
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